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La Palestine au coeur des enjeux

DES CROISADES AU NÉOCOLONIALISME
La Palestine au coeur des enjeux
Journal l’Expression 21 Avril 2011 – Page : 15

Tous les jours des lois d’apartheid, dignes du délire hitlérien, sont promues par le gouvernement d’Israël.

A l’heure où la désinformation et tant de diversions battent leur plein, il ne faut pas s’arrêter de rappeler que sans le règlement juste et définitif de la question palestinienne, il n’y aura pas d’avenir entre les rives de la Méditerranée. Depuis 1989, date de la chute du Mur de Berlin, la propagande de «choc des civilisations», d’hégémonie mondiale et de «recolonisation» sous de nouvelles formes, est perceptible. La tragédie palestinienne en est le symbole.
Un nouvel ordre mondial inique cherche à se concrétiser, sous des traits chaotiques, marqués depuis 2003 par la guerre en Irak, le sabotage systématique des négociations pour la création de l’Etat palestinien et la politique du deux poids, deux mesures. La guerre contre les musulmans est une vieille histoire, des croisades au néocolonialisme. La civilisation islamique a rayonné sur le monde durant mille ans. Bien plus, vivace et vivante, la religion musulmane valable en tous temps et tous lieux, est hospitalière et résiste bellement au temps, même si certains de ses adeptes dérivent. Les autres religions, plutôt dépassées, déconnectées et dévitalisées, ont peu de prise sur la réalité. Cette différence dérange.

Le déni de reconnaissance
La fuite en avant, la loi du plus fort, la montée de la haine contre le religieux islamique sont flagrantes. Jamais l’islamophobie et le sionisme extrémiste n’ont atteint un tel degré d’arrogance et de mainmise sur les courroies de désinformation et de décisions dans le monde. Cependant, ces dogmatiques auraient tort de pavoiser, car la course vers l’abîme est suicidaire. L’injustice ne peut durer. Après la guerre de l’hiver 2009 contre Ghaza, la Palestine occupée, symbole de l’injustice, semble oubliée, mais sa juste cause triomphera un jour.
La propagande sioniste extrémiste est au zénith, avec un gouvernement d’extrême droite, de type néonazi, profitant de la faiblesse du Monde rabe et de la crise mondiale, pour faire diversion. L’opinion internationale est soumise au matraquage qui met l’accent sur le «nouvel ennemi»: l’Arabe, le musulman, l’Iranien, le Turc. La notion «d’islamophobie» n’est pas un abus de langage produit par les fondamentalistes, c’est l’expression d’une stratégie antimusulmane ancienne au coeur des visées hégémonistes.
Tout est utilisé pour réduire l’image du musulman, jusqu’à nier l’influence de la culture arabe sur la culture ou s’alarmer de manière hypocrite de pseudo- conséquences migratoires et d’hypothétiques dangers «islamistes» au moindre événement en rive Sud. Des intellectuels révisionnistes, des politiciens immoraux, néoconservateurs et des médias de l’abjection délirent en permanence. L’Occident s’approprie des valeurs et les réfute pour autrui. Il fait croire que les musulmans sont inaptes à, l’universel, à la démocratie et à la rationalité. Cette contre-vérité a fonctionné. Elle ne peut pourtant, faire oublier que la civilisation arabo-musulmane fut lumineuse. L’Islam a libéré les êtres de partout, réalisé de manière incomparable une société du droit à la différence et les savants musulmans ont fécondé les apports des autres cultures et élevèrent la condition humaine par leur génie propre, ouvert aux dialogue des cultures. Cela a permis une civilisation sans pareille et donna de la hauteur aux acquis scientifiques, à commencer par le travail de la mathématique. Le rationnel en Islam ne s’oppose pas au mystère, à l’invisible, ni à l’infini, il s’en inspire et traite de ces dimensions, afin de tenir compte de ce qui est au-delà, ce qui relève des incertitudes et de ce qui n’est pas donné d’avance. La langue arabe, à la richesse incomparable, est celle de l’abstraction et des nuances à l’infini. Avec la révélation coranique elle a atteint sa prodigieuse maturité. Elle a non seulement transmis la pensée grecque, les cultures perse, byzantine, indienne et autres mais elle les a redéployées, développées et fait fructifier. Les progrès obtenus, sur la base de l’impulsion coranique et prophétique, ont permis la civilisation totale et équilibrée, trajectoire qui fut pervertie par la rupture entre raison et foi, les coups de boutoir du dogmatisme d’autres religions, du libéralisme sauvage et de la raison instrumentale.
Sans la civilisation musulmane, la culture européenne n’aurait pas été émancipatrice. Il y a un déni de la réalité: l’Europe n’a pas admis que le fait arabe – au même titre que le fait grec et le fait hébraïque, est constitutif de l’Histoire occidentale et de son héritage. Les penseurs objectifs le reconnaissent: il est impossible de penser l’Histoire occidentale sans le travail d’Ibn Sina, d’Ibn Rochd, Ibn Hatem, Al Khawarizmi, Al Karaji, Omar Khayyam, Ghazali, la logique, l’algèbre, les mathématiques, la cosmologie et la philosophie, avec les implications physiques et technologiques modernes.
Un exemple: l’Europe n’intégra l’usage des chiffres arabes et du zéro, éléments décisifs pour le calcul infinitésimal, que 5 siècles après les mathématiciens arabes. La culture musulmane a produit un saut qualitatif inégalé, affinant le niveau d’abstraction, au-delà des limites anciennes. Les Grecs n’ont pas pensé le «zéro» et étaient impuissants face à ce qui dépasse la raison: l’infini, l’au-delà. Le souffle coranique ouvre ces champs. Contrairement aux affabulations des islamophobes, c’est avec le plus haut niveau d’abstraction, la conceptualisation de l’au-delà de la nature, le calcul avec l’inconnu, que la culture arabe a contribué au progrès de la pensée universelle, par une rationalité qui dépasse la matérialité.
Le monde moderne a besoin d’humilité. Sa rationalité instrumentale, déshumanisante et arrogante, n’est pas la rationalité humaine, humble et sage qui a fait ses preuves durant près de mille ans. La raison universelle musulmane reconnaît la limite, non point comme défaut, mais comme dimension en son sein qui aspire à ce qui la dépasse: le lien à l’invisible, à ce qui est arationnel, le rapport à l’au-delà du monde. La foi en Islam ne se trouve pas en dehors du rationnel, elle est dans sa prime nature, la fitra, sa structure.
L’Islam, non seulement donne une direction de vie, mais répond avec logique aux plus profondes aspirations de l’être humain, d’où les innombrables conversions exponentielles dans le monde entier.
Nous sommes loin des prétentions à limiter l’identité, comme en Europe déspiritualisée, à un seul aspect et à nier la diversité, la transcendance et l’infini. La contribution arabe au monde entier, à la culture humaniste, aux mathématiques et à la pensée fut historique. Elle releva le défi permettant d’articuler les concepts rationnels avec l’inconcevable, c’est-à-dire l’infini. Ce saut sans pareil dans l’histoire du savoir a produit des progrés scientifiques décisifs. Il eut lieu autant dans la célèbre Maison de la Sagesse, Dar el Hikma qui réunissait à Baghdad philosophes, mathématiciens et théologiens, polyglottes, qu’au Maghreb, à Tlemcen, Béjaïa, Kairouan, Fès et en Andalousie. L’Occident, aujourd’hui, a besoin de connaître le vrai Islam.
Les divergences entre le monde marchand, matérialiste, impérial et belliqueux et l’Islam sont profondes, ce n’est pas conjoncturel. Ce sont deux versions de l’humain qui se confrontent, alors que les peuples ont un fonds commun et peuvent coexister. L’Islam ne cherche pas à imposer, mais témoigne d’un sens singulier du rapport entre raison et foi, témoin que l’on veut faire taire. Notre époque a besoin de sages pour rebâtir des ponts et renouer avec le vivre-ensemble. Ce qui se joue en Palestine c’est l’avenir des peuples.
L’Inquisition, les croisades, la colonisation, la falsification de l’Histoire et la propagande du «choc des civilisations» inculquent l’idée que les musulmans sont des adversaires, alors qu’ils se veulent partenaires. L’islamophobie, l’ingérence dans les pays arabes, le soutien au sionisme et la politique des deux poids, deux mesures sont le résultat de la fausse représentation. Tout discours qui exclut et dénie à l’autre la capacité de l’universel est un aveu d’échec et d’impuissance.

La preuve de l’iniquité
Les injustices commises contre les Palestiniens en particulier, les Arabes en général, d’hier à aujourd’hui, le refus du droit à la différence, le malaise occidental et la crise de civilisation tiennent, entre autres, au fait que l’Europe traîne un complexe face à l’Islam et refuse de regarder la réalité. «Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident», écrit Pierre Legendre, cela mène vers le précipice. L’aveuglement et l’ignorance au sujet des musulmans, par-delà leurs propres responsabilités, a des conséquences néfastes sur le plan des relations Nord-Sud.
En termes concrets, le cas de la Palestine est éclatant comme preuve de l’iniquité. Après l’historique Déclaration d’indépendance, à Alger, par le Conseil national palestinien dirigé par Yasser Arafat le 15 novembre 1988, alors qu’une centaine de pays avaient reconnu la Palestine, cet «État» n’a atteint d’autre réalité qu’un territoire représentant 8% des terres et d’une autorité sous le contrôle d’Israël. L’Occident est resté sourd. Il n’y a pas d’avenir sans le règlement de la question palestinienne, cela débloquera le rapport Islam-Occident.
La politique impunie de l’apartheid des territoires occupés signifie que le système mondial est otage du sionisme et des séquelles des croisades. Israël et ses alliés imposent un ordre inhumain. Ils bloquent, depuis plus de quarante ans, la solution diplomatique. Ils votent sans cesse contre toute résolution de l’ONU qui condamne les colonies et affirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. L’argumentation sioniste et occidentale qui prétend que les juifs sont différents de tous les autres peuples, se posant comme nantis d’un droit politico-religieux exclusif, est barbare. Résoudre le problème doit se poser en termes de démocratie, de droit et d’égalité et non en termes mythiques et raciaux.
Il s’agit pour les pays arabes, non pas seulement se reformer intérieurement pour accéder à la bonne gouvernance et consolider ou bâtir l’Etat de droit, mais aussi en finir avec l’oppression mondiale et le néocolonialisme qui tentent de récupérer le souffle de l’Histoire. Ceux parmi les citoyens du monde qui militent pour la justice en Palestine et l’amitié entre les trois rameaux monothéistes constatent que les establishments occidentaux soutiennent l’occupation. La politique sioniste, qui se déchaîne contre le peuple palestinien, n’a pas été contrecarrée par une réaction mondiale. Alors que plus de soixante-dix résolutions onusiennes existent en la matière.
Tous les jours des lois d’apartheid, dignes du délire hitlérien, sont promues par le gouvernement d’Israël. Une loi d’apartheid permet aux colons juifs de construire sur des terres confisquées aux Palestiniens. Une autre loi scélérate, récente, oblige des citoyens palestiniens d’Israël, considérés comme de deuxième classe, de prêter serment de loyauté et ne les autorisant pas à vivre avec leurs conjoints originaires des territoires occupés. Depuis plus de soixante ans des lois d’apartheid institutionnalisent le caractère raciste de l’Etat israélien qui produit le plus grand nombre de lois racistes au monde, et privent les citoyens arabes de leurs droits humains et civiques. Derrida, Chomsky, Morin, Hessel et d’autres grands intellectuels juifs reconnaissent que c’est un Etat voyou.
L’Etat sioniste, soutenu par l’Occident, est devenu le pire des régimes ségrégationnistes au monde. Il contrôle la quasi-totalité de la Palestine, emprisonne et tue sauvagement ses habitants. Israël détient le plus grand nombre de prisonniers politiques, près de dix mille. Comble du cynisme, ses alliés occidentaux promeuvent ce régime au rang de partenaire privilégié.
L’Occident prétend représenter la démocratie et le seul modèle à suivre: c’est tragique. Il est temps pour le monde dominant de prendre conscience qu’il n’y a pas de modèle unique et qu’il n’y aura pas de paix sans justice. Notamment, tant qu’Israël continuera à jouir de l’impunité et tant que le néocolonialisme se répand sous des prétextes fallacieux.
Les peuples musulmans ne peuvent pas compter sur l’Occident actuel pour libérer la Palestine, ni pour retrouver un nouveau projet de société à dimension universelle. Le modèle occidental en crise nie le sacré, l’universel et le droit à la différence. L’Occident, malgré des acquis, semble avoir abandonné et les valeurs grecques de «démocratie» et les valeurs spirituelles «abrahamiques». Par le renouveau, la résistance réfléchie et le dialogue, le monde entier, à commencer par celui de l’Islam, doit ramener l’Occident à respecter le droit des peuples, le pluralisme et rechercher une civilisation commune.

(*) Professeur des Universités

Mustapha CHÉRIF (*)

L’islamophobie : un piege !

L’islamophobie : un piege !

Un leurre, un contre-feu, une diversion

Par Mustapha Cherif

 

Un leurre, un contre-feu, une diversion, en l’occurrence l’invention d’un « nouvel ennemi » est en train de prendre une  dimension démesurée. Le sondage  IFOP-le journal le Monde, qui révèle que 40 % des français et allemands considèrent l’islam comme une menace et plus de 68% jugent que les musulmans n’arrivent pas à s’intégrer, est loin d’être une surprise.

Depuis des années nous tentons de sonner l’alerte, d’éveiller les consciences, d’attirer l’attention de tous pour éviter le contre-sens. Mais des médias et des forces politiques préfèrent les pyromanes. La thématique anti-islam et la banalisation du discours sur les prétendus dangers de l’islamisation font politiquement recette. C’est un piège qui occulte les stratégies en cours et les enjeux de demain.

La présence de l’islam dans les pays européens suscite  une crispation des opinions publiques. Des représentants du culte musulman tétanisés demandent aux pratiquants de tenir compte du contexte. Pourquoi des Occidentaux ont peur des musulmans? Il n’y a pas de hasard au sentiment. Ces délires infondés ou inquiétudes légitimes ont une pluralité de causes. La responsabilité est partagée.

La responsabilité des musulmans

La première cause réside dans le fait qu’une minorité parmi les citoyens européens de confession musulmane et d’autres à travers le monde trahissent l’islam et alimente la diversion. Comme hier pour les chrétiens, quand les guerres de religions et l’inquisition ont suscité un sentiment anticlérical et antireligieux, le terrorisme des faibles, l’apparition de courants fondamentalistes et la remise en cause de la liberté de conscience par des extrémistes nourrissent le sentiment antimusulman.

Le monde musulman, par-delà son hétérogénéité, empêtré dans le repli, les luttes intestines et la décadence, a des difficultés à se réformer, à réaliser la ligne médiane qui lie authenticité et progrès. Il cherche rarement à remédier intelligemment à ses contradictions et à mettre fin aux discriminations que subissent chez lui ses propres minorités. Dans ce contexte, sous prétexte que la question est politique ou mafieuse et non religieuse, il sous-estime les effets sur la mémoire collective occidentale de la peur du terrorisme des faibles, le poids des attentats du 11 septembre et d’autres comme ceux de Madrid et Londres.

Le monde musulman est faible, en déclin depuis au moins cinq siècle. Il présente une image négative au monde. Le déclin a commencé après la destruction de Bagdad par les Mongols en 1258. La date symbole de la fin de l’ère musulmane triomphante est 1492 correspondant à la chute du dernier émirat de Grenade en Andalousie. L’influence de l’esprit islamique éclairé va se réduire, même si la chute de Constantinople, qui va devenir Istambul, a lieu en 1453 et marque la fin de l’empire byzantin, ainsi qu’une nouvelle ère pour l’Empire ottoman.

L’Europe qui s’opposait prépara son éveil, qui va connaître l’apogée au XIXe siècle. Les résistances, comme celle héroïque de l’Émir Abdelkader, et les tentatives de renaissance ne purent freiner le déséquilibre. Le repli sur le formalisme et le fidéisme, ruinent l’image des musulmans. Des musulmans ont perdu de vue la signification véritable du Message révélé et la voie du Prophète. Ils s’attachent à la gestuelle et s’enferment dans le superficiel et la fermeture.  Ces musulmans oublient que l’exigence de liberté de conscience est coranique. Leur posture n’a rien à voir avec la lumière du Coran qui précise « nulle contrainte en religion », appelle à la réflexion et informe que le respect du droit à la différence, le savoir lié aux finalités et la liberté responsable sont la base de la cité civilisée.

Au cours du XX eme, jusqu’à nos jours, l’instrumentalisation de la religion sous forme d’idéologies sectaires, comme armes et l’utilisation de la violence aveugle, dans le cadre de la lutte pour le pouvoir, par tous les courants qui s’y rattachent, des « frères musulmans » aux « salafistes » et leurs émules les « talibans » et autres « chiites » radicaux exportateurs d’une pseudo-révolution,  trace le tableau d’une tragédie sans nom. 14 siècles d’une civilisation lumineuse, hospitalière et savante sont déformés depuis une trentaine d’année par les usurpateurs du nom, qui instrumentalisent l’Islam. Ils sont les premiers qui apportent de l’eau au moulin des xénophobes.

Le problème est d’abord interne au monde musulman, et les violences en Irak, au Pakistan et ailleurs en sont la dramatique démonstration. Aujourd’hui, environ 80% des musulmans du monde vivent sous des despotismes, dans la paupérisation et la fragilité et 40% sont illettrés. Ce monde est hétéroclite, faible et ne peut représenter une réelle menace. En décadence, sous-développé et dépendant, il est utilisé comme épouvantail. Il doit faire son autocritique. Rien ne peut justifier la haine contre l’Islam, qui n’a rien à voir avec la folie des hommes ignorants, assoiffés de pouvoir, aveuglés par le sentiment de vengeance et surtout manipulés. Accepter les critiques, sans conditions, se réformer, et ne pas tomber dans le piège est vital.

La responsabilité occidentale

La deuxième cause a trait à la stratégie du système dominant occidental qui a besoin d’un épouvantail pour faire diversion, en vue de tenter de réaliser la totalité de son hégémonie pour le siècle à venir. Après la chute du Mur de Berlin en 1989, la politique belliciste et le terrorisme des puissants qui manipulent, se sont réinventés un ennemi, pour faire écran aux visées et injustices. Cela terni l’image des musulmans et trompe les opinions. L’amalgame entre Islam et extrémisme, pierre angulaire de la propagande antimusulman, fonctionne sur le matraquage de médias et d’industries culturelles liées à des cartels d’intérêts qui diabolisent les musulmans.

Ce n’est pas une ruse difficile à mettre en pratique, car l’islamophobie et l’ethnocentrisme occidental sont anciens. Depuis 14 siècles l’Islam est déformé par des non-musulmans. Les xénophobes puisent dans l’imaginaire qui occulte le fait qu’entre l’Occident et l’Islam l’échange était plus décisif que les divergences.
L’amnésie et l’invention d’un adversaire ruinent les relations entre les communautés. Il ne saurait y avoir d’entente avec celui que l’on traite d’entrée de jeu comme un ennemi potentiel, dont on regarde avec suspicion les signes d’appartenance, en commençant par se demander si on peut ou non l’accepter.

Les xénophobes prétendent que l’Europe va s’islamiser et stigmatisent les musulmans pour faire peur et imposer le spectre d’un changement de population et de culture en Europe. Avec indécence la propagande haineuse surfe sur l‘ignorance, la crise morale et économique. Goebbels le nazi, pratiquait le même type de propagande et d’amalgame. Il ciblait les juifs, propageait des fausses informations à leur sujet, et flattait les pires instincts de tous les courants prêts à se conduire en loups. Les musulmans aujourd’hui courent le même risque que le juif hier, alors que le vécu paisible et bien intégré de l’immense majorité est ignoré.

La stratégie islamophobe, mise en place il y a plus de vingt ans par les néoconservateurs, est dopée par les odieux attentats qui donnent du crédit à la propagande du «choc des civilisations». Ce n’est plus le radicalisme qui est dénoncé, ce sont les références fondatrices, le Coran et le Prophète, qui sont accusées. L’extrême droite prolifère et les tenants du laïcisme sectaire et dogmatique considèrent que la religion est une idéologie d’asservissement. Des chefs d’états et de gouvernements occidentaux, des personnalités, avec virulence et cynisme, stigmatisent les musulmans. Dans le cinéma américain les scénaristes ont fait du musulman le «méchant».

 Des journaux publient des opinions dignes des temps des croisades, de la colonisation et des années trente: «Je hais l’Islam», «la talibanisation des sociétés musulmanes se généralise», «la logique de violence de l’Islam» et «le choc des civilisations est en train de triompher…à cause des musulmans». Des intellectuels, notamment sionistes, tiennent des propos sur la manipulation politique des peurs, jadis propagande de fascistes. Des intellectuels d’origine musulmane, dénigrent de manière schizophrénique leurs racines.

Le musulman, comme le juif hier, est présenté comme une menace pour les sociétés occidentales.Tout cela signe la victoire de l’ignorance, de la désinformation et de la provocation. Des intellectuels conscients reconnaissent que c’est le surgissement d’une islamophobie qui formate inexorablement la société européenne. Des penseurs occidentaux, montrent que l’islamophobie est le prolongement de l’antisémitisme. Cependant la propagande de ceux qui pratiquent l’amalgame l’emporte.

L’islamophobie est liée au fait que l’Occident, malgré sa puissance et des acquis prodigieux, est confronté aux impasses de la déshumanisation, de la désignification et de la marchandisation de l’existence et vise pourtant à se mondialiser. Les musulmans sont pris comme contre-feux et boucs émissaires. D’autant que l’Islam reste le témoin de la spiritualité, l’autre version de l’humain perçue comme concurrente, qui résiste à la déshumanisation et à la volonté d’hégémonie totale. L’Occident vise l’occidentalisation du monde, qui est un pari impossible, car cela demande d’abandonner des valeurs qui ont fait leur preuve, pour une appartenance problématique.

Poser la question en ces termes ne signifie pas qu’il faille amplifier la théorie du complot, mais il est clair que la situation se complique lorsque les nostalgiques de la nuit coloniale, les religiophobes qui nient les valeurs abrahamiques et les sionistes œuvrent pour empêcher tout rapprochement entre les deux mondes. Insidieusement depuis  l’occupation par la force de la Palestine en 1967,  puis ouvertement après la chute du mur de Berlin en 1989, et brutalement depuis 11.09.2001, des puissances occidentales, inspirées par le sionisme, au prix de manipulations sophistiquées, déplacent les problèmes du monde, masquent leurs échecs et impasses par l’idée d’un « nouvel ennemi ». La culture de la peur est fabriquée et amplifiée.

 

Surfant sur l’exaspération face aux comportements fondamentalistes mis sur le devant de la scène, ils gomment la frontière entre islam et extrémisme et sponsorisent ceux qui renient leur « origine », sous prétexte de « moderniser » l’islam. Le délire se répand partout, avec la prolifération de partis extrémistes qui font de la croisade contre les musulmans leur mot d’ordre. L’occupation de l’Irak, de la Palestine et les politiques qui manipulent, produisent des extrémistes et puis considèrent les musulmans comme les nouveaux ennemis.

Il reste un avenir

Les musulmans n’exigent pas seulement que leur différence soit tolérée. Ils demandent davantage qu’un simple «droit de survivre», mais le droit de vivre avec. Il faut penser à un ensemble commun et non à des substituts et projet de demi-mesures. L’ordre de la tolérance est insuffisant, seul l’ordre de la reconnaissance ouvre la possibilité d’une vie commune juste et non biaisée. D’autant que la complémentarité saute aux yeux.

Est une grande hypocrisie que l’empressement avec lequel des responsables occidentaux condamnent des actes islamophobes et antisémites, alors qu’ils procèdent d’un climat de défiance auquel ils ont contribué. Des régimes islamiques et des fondamentalistes crient à l’offense alors que, de leur côté, ils ont peu fait pour présenter le vrai visage de l’Islam, ni défendu la dignité des musulmans. Au contraire, par leurs réactions irrationnelles, ils ont déformé son image.

 

Malgré des comportements inadmissibles, crispés et provocateurs chez une minorité de musulmans, la réalité sociologique des citoyens musulmans en Europe montre leur aptitude à vivre le progrès et la sécularité. Cela gêne les extrémistes de la laïcité, du libéralisme sauvage et du sionisme. Ces trois courants dogmatiques et populistes incitent à la chasse aux musulmans. Les xénophobes et autres racistes, qui contredisent les valeurs des Lumières, sont aujourd’hui choyés au lieu d’êtres rappelés à l’ordre par les lois de la République.

 

Des chantres de la provocation basent leur carrière intellectuelle  sur la haine des musulmans. Ils monopolisent les médias parce qu’ils vivent dans un monde cynique où c’est devenu banal de haïr l’autre pour ce qu’il est. Il serait temps que les Européens, les Français, se souviennent des principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et ceux du monothéisme et prennent conscience que l’islamophobie est une diversion. Ce n’est pas seulement les musulmans qui sont ciblés, mais le sens de l’humain qui sous-tend toute vraie civilisation.

 

Si la tendance à l’hostilité vis-à-vis de l’Autre différent se renforce cela signifiera que l’humanité éprouve les limites extrêmes de sa tendance au vivre-ensemble, que la banalisation de la haine se généralise et que la diabolisation d’autrui ont atteint des cimes, que la pulsion de vie et le besoin de partage qui poussent les hommes à s’unir, se sont épuisés, abdiquant. On sort de l’humanisme et du christianisme si on laisse faire la xénophobie en Occident. On sort de l’islam, si on laisse faire le fanatisme et la réaction aveugle. Cela devrait aller de soi que nul ne peut se prévaloir des religions pour légitimer des violences. Raison de plus pour dialoguer et ne pas s’abandonner à la lassitude.

 

L’arrogance que l’Occident a à s’approprier, de manière injustifiable, des valeurs comme la démocratie, la sécularité et la raison, et sa politique des deux poids et deux mesures et de la loi du plus fort aggravent la situation.  Il fabrique de la terreur, manipule, amplifie les faiblesses des musulmans et les errements d’extrémistes pour faire effet d’épouvantail. En riposte, dialoguer, communiquer et instruire pour bien montrer que les musulmans, contrairement aux apparences  fabriquées, ne sont pas une menace est incontournable, en vue d’éclairer l’opinion publique internationale.

L’image dépréciative des musulmans, des Arabes et des Turcs est ancienne, mais elle a pris des proportions alarmantes à cause de calculs étroits. Des Occidentaux sont piégés par les discours de la désinformation, qui profitent des errements de régimes archaïques et d’extrémistes. L’Occident se forge une identité contre l’autre. Le leurre, le contre-feu, la diversion de la peur et du « choc des civilisations » fonctionnent. Pendant ce temps, la vraie bataille fait rage sourdement sur des fronts décisifs : la technoscience, la finance et l’économie. Les enjeux pour les rapports de force demain. La Chine sait de quoi il en retourne.

Sur le plan moral, l’islam ce méconnu, dont certains de ses adeptes ignorants et sous-développés lui nuisent, en même temps il avance et de nouveaux musulmans éclairés rejoignent ses rangs lorsqu’ils le découvrent. Si 40% des européens le considèrent comme une menace, cela signifie que la majorité des européens ne confond pas islam et fanatisme. C’est-à-dire que 60 %  ne le perçoivent pas négativement, malgré les manipulations, le matraquage et les mauvais exemples.

 

Le mauvais comportement d’une partie de ses adeptes, l’archaïsme des régimes islamiques et l’état de décadence dans lequel se trouve nombre de sociétés musulmanes, ne peuvent changer la réalité: le Message coranique est au-dessus des stratégies de domination et des affres de notre temps, il libère l’humain universel. Nul ne peut nier que la démocratie et l’Etat de droit sont faibles en rive Sud, mais c’est un problème politique et non point spirituel.

 

Aujourd’hui de plus en plus d’Occidentaux discernent, s’intéressent à l’islam et se convertissent même, touchés par sa logique et déçus par l’immoralité, la sauvagerie du système consumériste et par les contradictions des autres religions. En ce XXI siècle, nul ne pourra tout seul retrouver une nouvelle civilisation universelle. Les pays musulmans et  occidentaux sont face à leur responsabilité.  Il ne faut pas se tromper d’adversaire. Si on sait éviter les pièges, les combats d’arrière garde et les faux débats, il reste un avenir.

 

MC

LA XÉNOPHOBIE ET LE FANATISME

LA XÉNOPHOBIE ET LE FANATISME
La course vers l’abîme

Par Mustapha Cherif
 

 

De nouveau, Barack Obama, à l’occasion de sa visite en Indonésie, a réitéré son respect des musulmans. Plus personne ne croit les intentions. De simples paroles ne peuvent cacher la réalité. Les faits contredisent les intentions. La déception est immense face à cette rhétorique, qui semble un voeu pieux. L’Occident a un passé antisémite. Il a fallu une guerre, l’horreur de l’Holocauste pour que la banalisation de l’antisémitisme dans la société s’estompe nettement; aujourd’hui, c’est le musulman qui est dans l’oeil du cyclone. «L’Occident face à l’Islam», tous les jours une certaine presse occidentale met de l’huile sur le feu et les actes contre les lieux de culte musulmans et les discriminations se multiplient. Les citoyens sont choqués, lassés par l’alarmisme et la dichotomie inappropriée qui exacerbent les crispations. Nous sommes en colère contre les extrêmes de tous bords. La colère est saine, nous devons alerter l’opinion internationale, car le déferlement des discours de la haine sont en train de dépasser toutes les limites. Nous assistons à la mise en pratique du mot d’ordre funeste du choc des ignorances. Ceux qui se disent développés, civilisés et modernes ne savent pas garder raison, ils bafouent le droit à la différence et le respect d’autrui. Ils alimentent le fanatisme. Xénophobie d’un côté, fanatisme de l’autre peuvent transformer notre monde en enfer.

Riposter sagement
A ce jour, les citoyens, de toutes croyances ou non-croyances ne sont pas dupes et ne tombent pas dans le piège de la confrontation et des polémiques. Mais demain, la propagande xénophobe peut créer des désastres et entraîner le monde entier dans une guerre civile totale. Dans un monde en crise morale et économique, marquée par le désespoir, alors que la société a besoin d’apaisement, ce sont surtout des «élites» médiatiques qui s’agitent et donnent la parole aux extrémistes. Quand on prétend informer et contribuer à résoudre les problèmes, il est contradictoire de les poser de manière sciemment tronquée. L’air du temps délirant perturbe, mais il nous faut informer et riposter sagement afin que la vie suive son cours et que nul ne puisse empêcher les êtres humains de se rencontrer, de partager et de s’estimer.
Des médias occidentaux donnent la parole aux extrémistes du dénigrement qui redoublent de férocité. Qu’ils cherchent, à partir de l’Islam, comme de toute autre source, de se concocter une religion hybride, pour eux seuls, un «self Islam», conforme à la logique faustienne ou à leurs fantasmes, c’est leur affaire, libre à eux. Ce n’est ni les premiers, ni les derniers individus qui folklorisent et infantilisent la pratique de la foi. Certes, ils se prévalent de l’Islam, se présentent comme «intellectuels musulmans» et en même temps ils le dénigrent de manière schizophrénique. C’est un signe de dérèglement, ne leur donnons pas d’importance. Ces «nouveaux intellectuels», dits de culture musulmane, qui se flagellent, affirment que «l’Islam est foncièrement violent», que «Dieu» s’est définitivement retiré, que l’au-delà est une fiction et le Coran un texte sacralisé archaïquement, semblent souffrir. Les plus virulents adversaires de l’Islam ne parlent pas comme eux, avec une telle désinvolture et surtout un tel masochisme. C’est une faille incommensurable. On se demande s’il faut en rire ou pleurer, ou s’il faut leur porter un quelconque regard? Il faut les ignorer et que les croyants prient pour eux. De par leur position de dénigrement, ils sont sollicités par des médias occidentaux qui, n’en croyant pas leur chance, s’accrochent à eux, les définissent comme «courageux», en vue périodiquement de sortir l’antienne de l’Occident («civilisé») face à l’Islam («barbare»).
Ces médias cultivent la religiophobie, excluent tout autre interlocuteur que les «révoltés» contre leur communauté et n’ont plus d’arguments que la répétition de mensonges insidieux, adeptes de l’idée qu’en les répétant, il en restera toujours quelque chose. Surfant sur l’exaspération face à des comportements fondamentalistes marginaux mis sur le devant de la scène, ils gomment la frontière abyssale entre Islam et extrémisme, amplifient la culture de la peur et sponsorisent ceux qui renient leur «origine», sous prétexte de «moderniser» l’Islam.

Les extrêmes se nourrissent
Pour ces «intellectuels musulmans» extrêmes, mi-consciemment, mi-inconsciemment, c’est la spirale de la surenchère: qui dira le plus du mal de l’Islam et des musulmans? Par eux, les musulmans sont sommés de se nier, sinon ils sont diabolisés. De par leur aveuglement ces «intellectuels» décrédibilisent la logique, pourtant incontournable, de la critique, de l’interprétation et de la réforme. De plus, il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause le droit de critiquer, la religion, y compris avec virulence et de manière infondée. Nul de sensé ne peut soustraire la religion à l’examen critique, mais vouloir stigmatiser, heurter, injurier gratuitement, de manière obsessionnelle et ouvertement discriminatoire, n’est pas digne d’une société démocratique.
L’immense majorité des croyants accepte la critique sans limite, prouve le mouvement en marchant, vit avec son temps, sait ce qu’elle croit et ce qu’elle veut et refuse le dénigrement outrancièrement offensant, la stigmatisation et l’amalgame. Elle refuse tous les extrêmes. Elle sait que les extrémistes, qui rejettent la critique, instrumentalisent la religion et s’enferment dans le repli, sont une infime minorité qui apporte de l’eau au moulin d’autres extrêmes: ceux qui dénigrent de manière pathologique et contribuent à l’invention d’un nouvel ennemi. Les dérives ne sont pas d’un seul bord, les extrêmes se nourrissent. L’immense majorité des croyants sait que les extrémistes, de tous bords, ne peuvent pas tromper tout le monde tout le temps. De plus, ce qui est si grand et si haut, en l’occurrence pour les croyants leurs références fondatrices, parle de lui même et ne peut être atteint. Par la hauteur de vue et le bel-agir, le besoin de partage et le vivre-ensemble l’emporteront. En Palestine, en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, partout, le cortège de violences aveugles suit l’envahisseur et l’occupant.
Ignorance et arrogance s’entremêlent. Ces abcès métastasent le monde. Les puissants de ce monde semblent ne plus rien maitriser ni leur économie, ni leur appétit insatiable de puissances, ni l’avenir. Comme un train fou, sans pilote, le système dominant est devenu sauvage et cannibale. Au coeur de sa stratégie, la haine du musulman pour faire diversion.

Rétablir la confiance
L’islamophobie, comme hier l’antisémitisme, n’est pas une vue de l’esprit, mais une tragique réalité qui présage de lendemains néfastes. Nous devons appeler à la résistance pacifique, énergique et plurivoque.
Du dedans, il nous appartient de rétablir la confiance, en réformant nos sociétés, en condamnant fermement les violences aveugles, en affichant notre solidarité avec les croyants discriminés d’autres religions. Les citoyens européens de confession musulmane doivent adapter leurs pratiques culturelles et identitaires au contexte du pays où ils vivent, en se méfiant du repli sur soi et en se tenant à distance des intégrismes. Les non-musulmans doivent reconnaître le droit à la différence, pas seulement à peine tolérer l’autre, mais rechercher le vivre-ensemble, le dialogue et refuser les amalgames. Ils doivent se souvenir que le problème est éthique, moral, l’injustice étant le principal problème. Les décideurs politiques européens doivent se garder de positions électoralistes, d’exploiter les peurs et de stigmatiser les musulmans. La xénophobie, le sentiment antimusulman, la haine et l’agressivité qui sous-tendent la terreur des puissants, scient la branche sur laquelle les sociétés développées sont assises. Les voyous sont ceux qui ruinent le vivre-ensemble et mettent le feu partout, les politiciens et les pseudo-intellectuels qui utilisent la peur pour faire diversion et s’enrichir. Ils nourrissent la haine des uns et le terrorisme des autres.
L’insécurité est le résultat d’un système qui refuse de reconnaître les causes des problèmes. Le monde dominant entraîne toute la planète vers le désastre, s’il ne se corrige pas. On se dirige tout droit vers l’abîme, si tous les hommes de bonne volonté ne s’unissent pas pour mettre fin à la xénophobie et au fanatisme, à tous les délires.

(*) Philosophe
intellectuels@yahoo.fr

Mustapha CHÉRIF (*)

Laura la musulmane

LES CONVERSIONS À L’ISLAM

 
Laura la musulmane

Par Mustapha Cherif

L’islam à notre époque est souvent mal représenté. Ses adeptes sont aujourd’hui plutôt sous-développés, ne savent pas communiquer, si peu cultivés et nuisent à ce qu’ils croient défendre. Mais en même temps, le troisième rameau monothéiste, la religion révélée pour le monde entier et la dernière phase de l’histoire de l’humanité, avance et de nouveaux musulmans éclairés rejoignent ses rangs.
Aujourd’hui de plus en plus d’Occidentaux se convertissent à l’Islam; déçus par l’immoralité, la sauvagerie du système consumériste dominant et par les contradictions des autres religions. Pour un musulman qui quitte l’Islam, dix étrangers se convertissent à lui. En Europe, environ cinq cents personnes par jour se convertissent à l’Islam. Lors du pèlerinage, comme en ce moment, chacun constate combien le nombre d’Occidentaux qui participent au grand rassemblement spirituel, est en progression. L’Islam apporte une réponse claire, raisonnable et vivante aux questions fondamentales. Il rend serein, heureux et fort celui qui prend conscience de la vérité spirituelle de la vie, fondée sur le principe que tout est relatif sauf l’Absolu, signification de la première partie de la profession de foi: «Il n’y a pas de dieu sauf Dieu.» Et la deuxième partie de la shahada, le témoignage, signifie que le lien à Dieu passe par le chemin tracé par Son Envoyé, l’homme universel, miséricorde pour les mondes, le bel exemple à suivre, qui parachève et accomplit l’histoire des révélations: «Et Mohamed est son Prophète.» Une récente conversion édifiante montre que rien ne peut occulter la vérité quand elle se manifeste à un être sincère et juste: «Je m’appelle Lauren Booth et je suis musulmane.» Ce sont avec ces mots que la belle-soeur de Tony Blair s’est présentée devant une assemblée de musulmans à Londres, il y a quelques jours, le 23 octobre 2010.

Un visage éclairé, une voix juste
Sa belle chevelure blonde à peine dissimulée sous un discret foulard, la journaliste et soeur de Cherie Blair, a fait une émouvante promesse aux participants de la conférence annuelle Global Peace and Unity: «Je ne tolérerai pas que l’Islam soit présenté comme une religion agressive et violente.» Elle touche par là à l’essentiel: la propagande anti-islam veut faire croire que l’Islam est violent, alors qu’il vise la paix et la justice.
Certes, les usurpateurs du nom, qui instrumentalisent l’Islam, les criminels intégristes, qui parlent en son nom et portent atteinte à son image, sont les premiers qui apportent de l’eau au moulin des xénophobes. Le mal est d’abord interne au monde musulman, et les violences actuelles en Irak, au Pakistan et ailleurs en sont la dramatique démonstration. Cependant, non seulement la cause est surtout due aux agressions extérieures et ingérences, mais rien ne peut justifier la haine contre l’Islam qui n’a rien à voir avec la folie des hommes assoiffés de pouvoir et aveuglés par le sentiment de vengeance. L’occupation de l’Irak, de la Palestine et les politiques qui manipulent, produisent des extrémistes et puis considèrent les musulmans comme les nouveaux ennemis. La question centrale de notre temps est celle de la justice.
Lauren Booth par ce «Je ne tolérerai pas que l’Islam soit présenté comme une religion agressive et violente», lance ainsi, un avertissement à tous les islamophobes et sans doute à l’ex-Premier ministre Tony Blair son beau-frère, qui a passé sa carrière politique à attaquer l’Islam et les musulmans de manière directe ou indirecte. Cette lucide et courageuse femme de 43 ans, a critiqué sa politique au Proche-Orient par le passé, notamment lors de la guerre qu’Israël a menée contre le Liban et le Hezbollah libanais en 2006.
Elle lui a adressé une lettre cinglante en septembre dernier dans laquelle elle l’accuse ouvertement de s’aligner sur Israël et de fermer les yeux sur le sort des Palestiniens. Tony Blair, qui avait suivi aveuglement Bush dans sa croisade contre l’Irak, aujourd’hui est soi-disant «émissaire de la paix au Proche-Orient» pour le Quartett. Il est favorable aux thèses sionistes et ne perd pas une occasion de prêcher la ligne belliciste face à l’Iran et ses ambitions nucléaires. C’est le cynisme de la politique de certaines puissances occidentales.
Laura est claire, elle lui reproche sa vision antimusulmane: «Ta vision globale est que les musulmans sont fous, dangereux et qu’il vaut mieux les éviter», conclut-elle dans sa plaidoirie. Cette militante des causes justes est considérée comme une pasionaria de la cause palestinienne. Lauren Booth a pris part à plusieurs missions humanitaires dans la bande de Ghaza et tente d’alerter sur les conditions dramatiques dans lesquelles vivent les Palestiniens sous l’apartheid sioniste. Elle a décidé de se convertir à l’Islam après avoir visité nombre de pays musulmans et partagé des moments de recueillement dans des mosquées. Elle a connu son éveil spirituel en septembre dernier, dans une mosquée.

Une vérité irrésistible
Dans le journal, où elle écrit, le Daily Mail, elle précise: «Une joie spirituelle foudroyante m’a envahie. Je savais que je n’étais plus une touriste de l’Islam, mais une voyageuse au sein de sa communauté.»
Cette nouvelle voix est représentative de la situation: malgré tous les mauvais musulmans qui trahissent l’Islam, tous les complots, toutes les campagnes de désinformation et la puissance matérielle de ceux qui pratiquent le culte du veau d’or, la vérité spirituelle coranique reste irrésistible. Elle humanise, rend clairvoyant et digne.
Cette conversion soulève des réactions meurtrières et haineuses: «Une femme choisissant de devenir le visage acceptable d’une bande de voyous qui lapident des femmes adultères, c’est la quintessence du syndrome de Stockholm», a écrit la chroniqueuse de droite Julie Burchill. Cela montre que Laura dérange et touche au coeur de la question: l’aveuglement d’une partie des décideurs et de l’opinion occidentale qui n’arrive pas à regarder la réalité en face. Le musulman est aujourd’hui David qui résiste à Goliath l’Israélien.
Plus encore, face aux dérives du libéralisme sauvage, de l’athéisme dogmatique, la faillite des idéologies et des Eglises marquées par la collusion, l’Islam est la figure d’une autre version de l’humain qui a du sens. Le mauvais comportement d’une partie de ses adeptes, l’archaïsme des régimes islamiques et l’état de décadence dans lequel se trouve nombre de sociétés musulmanes, ne peuvent changer la réalité: le Message coranique est au-dessus des affres de notre temps et s’adresse au coeur et à la raison de l’humain universel. Lauren Booth a condamné l’arrogance et la condescendance de nombre d’Occidentaux envers les musulmanes. Dans une lettre ouverte, elle dénonce le fait que trop de non-musulmans ne comprennent rien aux vertus de la femme musulmane: «Croyez-le ou non, elles peuvent être éduquées, travailler le même nombre d’heures que nous et assumer leurs responsabilités de citoyennes.» Cette nouvelle voix de la cause des croyantes, ajoute qu’elle se réjouit d’avoir abandonné l’alcool grâce à sa nouvelle religion. «Il y a tant de choses à apprendre, à aimer et à admirer dans l’Islam.»
Certains polémistes, pratiquant l’amalgame et la confusion, lui reprochent de ne pas parler des violations des droits de la personne dans des pays islamiques. Nul ne peut nier que la démocratie et l’Etat de droit sont faibles en rive Sud, mais c’est un problème politique et non point spirituel. De plus, la situation dans le monde musulman est hétérogène, diverse, on ne peut pas généraliser et uniformiser. Dans tous les cas, le témoignage et la ferveur ouverte de Laura symbolisent bien le fait que la foi musulmane s’adresse à tous les peuples, aux hommes et aux femmes de tous les temps. Encore une fois, apprendre à vivre ensemble de manière juste et à respecter le droit à la différence, est l’exigence de toujours. Bonne fête de l’Aïd el Adha, à Laura et à toutes les musulmanes et musulmans, moment du souvenir d’Abraham, père des croyants monothéistes, qui ont confiance en l’avenir.

(*) Professeur des Universités
www.mustapha-cherif.com

Dialoguons !


Dialoguons

 

Par Mustapha Cherif

Le président Barack Obama répète que les USA ne seront jamais en guerre contre l’Islam. Cependant, des politiques occidentales discriminent leurs citoyens de confession musulmane et agressent des peuples musulmans de par le monde. Dans ce contexte d’islamophobie à grande échelle, où la lutte antiterroriste a plus que dérapé, en contradiction avec les valeurs des USA, un pasteur évangéliste sectaire, hypermédiatisé, a menacé de brûler des exemplaires du Saint Coran. Cela a mis en péril la sécurité mondiale. La perception délirante de l’Islam dans l’esprit des ignorants a atteint le degré de gravité. Par-delà le caractère démentiel, c’est le symptôme d’un problème de fond.


Dialoguons. Ce n’est pas une question de liberté d’expression, ni celui du droit légitime de critiquer une religion et ses adeptes, mais une incitation mortifère à la haine et à la violence. Le système libéral mondial a atteint ses limites, incapable d’accueillir la diversité, de produire des normes, du droit et du sens. Il n’hésite pas à déployer sa violence militaire pour aller chercher son ennemi au bout du monde, et, malgré le gigantisme, aggrave la situation.

Il manifeste son impuissance à se pencher sur les causes des problèmes, à réguler ses contradictions et sortir de la politique des deux poids et deux mesures. Soumis à l’idéologie du Marché, du laïcisme et de la permissivité, il sacrifie sur l’autel de ses pulsions autodestructrices tout symbole éthique. Ce qui produit de tous les côtés, des monstres et des fanatiques. La responsabilite est partagee.
Quelles sont les causes?
 
 
 
 

 


Pourquoi des Occidentaux haïssent-ils l’Islam et ont peur des musulmans? Il n’y a pas de hasard, d’une part, au fanatisme antimusulman, d’autre part, aux réactions extrémistes. Ces nouveaux délires ou simplement l’inquiétude angoissée sont un psychodrame. Une pluralité de causes nourrit l’islamophobie.
La première réside dans le fait que le système dominant a besoin d’un épouvantail pour faire diversion en vue de tenter de réaliser la totalité de son hégémonie. Après la chute du Mur de Berlin en 1989, la politique belliciste, le terrorisme des puissants qui manipulent, se sont réinventés un ennemi, pour faire écran aux injustices. Cela a terni l’image des musulmans et trompé les opinions.


L’amalgame entre Islam et extrémisme, pierre angulaire de la propagande islamophobe, fonctionne sur le matraquage de médias et d’industries culturelles liés à des cartels d’intérêts qui diabolisent les musulmans, les réduisent arbitrairement au prisme de la violence. Ce n’est pas une ruse difficile à mettre en pratique, car l’islamophobie et l’ethnocentrisme occidental sont anciens. Depuis 14 siècles l’Islam est déformé. Les xénophobes puisent dans l’imaginaire qui occulte le fait qu’entre l’Occident et l’Islam l’échange était plus décisif que les divergences.
L’amnésie et l’invention d’un adversaire ruinent les relations entre les communautés. Il ne saurait y avoir d’entente avec celle que l’on traite d’entrée de jeu comme un ennemi potentiel, dont on regarde avec suspicion les signes d’appartenance, en commençant par se demander si on peut ou non les accepter.
La deuxième cause est liée à l’exploitation du traumatisme du 11 septembre 2001. La propagande islamophobe, mise en place il y a plus de vingt ans par les néoconservateurs, est propulsée, dopée par ces étranges attentats qui donnent du crédit à la propagande du «choc des civilisations». La stigmatisation des musulmans bat son plein.

 Ce n’est plus le radicalisme qui est dénoncé, ce sont les références fondatrices, le Coran et le Prophète (Qsssl), qui sont accusées et caricaturées.
L’extrême droite raciste prolifère et le laïcisme sectaire et dogmatique considère que la religion est une idéologie d’asservissement. Des chefs d’Etat et de gouvernement occidentaux, des personnalités, avec virulence et cynisme, diabolisent les musulmans. Dans le cinéma américain les scénaristes ont fait du «méchant» le musulman. Des Occidentaux confondent entre Islam et phénomènes rétrogrades.

 Des journaux publient des opinions dignes des temps des croisades, de la colonisation et des années trente: «Je hais l’Islam», «la talibanisation des sociétés musulmanes se généralise», «la logique de violence de l’Islam» et «le choc des civilisations est en train de triompher…à cause des musulmans». Des intellectuels, notamment sionistes, tiennent des propos fondés sur la manipulation politique des peurs, jadis propagande de fascistes. Des intellectuels d’origine musulmane, dénigrent de manière schizophrénique leurs racines. L’islamophobie se banalise, à grands coups d’amalgame.


Le musulman, comme le juif hier, est présenté comme une menace pour les sociétés occidentales. La peur entretenue fait croire qu’il cherche à imposer à la société occidentale un autre mode de vie qui entraînerait une déstabilisation. Tout cela signe la victoire de l’ignorance, de la désinformation et de la provocation.
La troisième cause de l’islamophobie est liée au fait que l’Occident, malgré sa puissance et des acquis prodigieux, est confronté aux impasses de la déshumanisation, de la désignification et de la marchandisation de l’existence. Les musulmans sont pris comme boucs émissaires. D’autant que l’Islam reste le témoin de la spiritualité, l’autre version de l’humain perçue comme concurrente, qui résiste à la déshumanisation et à la volonté d’hégémonie totale.

Paradoxalement, malgré ses difficultés, l’Occident vise l’occidentalisation du monde, qui est un pari impossible, car cela demande d’abandonner des valeurs qui ont fait leur preuve, pour une appartenance ambivalente, problématique et compromise.
La quatrième cause de l’islamophobie a trait aux réactions aveugles de ceux qui usurpent le nom de l’Islam, le terrorisme des faibles qui nourrit la bête immonde antimusulmane. L’apparition de courants fondamentalistes et extrémistes dans nos pays, phénomène favorisé par des facteurs internes et un soutien de l’extérieur, a alimenté l’islamophobie.

Le monde musulman, par-delà son hétérogénéité et ses potentialités, empêtré dans le repli, les luttes intestines et une décadence, a des difficultés à se réformer, à réaliser la ligne médiane, authenticité et progrès. Il cherche rarement à remédier intelligemment à l’islamophobie. Sous prétexte que la question est politique ou mafieuse et non religieuse, il sous-estime les effets sur la mémoire collective occidentale de la peur du terrorisme des faibles et le poids des attentats du 11 septembre, et d’autres, comme à Madrid et Londres.

Cependant, des initiatives historiques, pour relancer le dialogue des religions et des cultures, eurent lieu comme ma rencontre avec le pape, puis la lettre, dirigée par la fondation d’Amman «Ahl Al-Bayt» en Jordanie, des 138 savants musulmans, aujourd’hui plus de 500, où on appelle les dignitaires des autres religions à une «Parole commune» pour le bien de l’humanité. La Turquie et l’Iran avec Khatami proposent des forums sur ce thème. Le roi d’Arabie, gardien des Lieux Saints, organise en 2008 un congrès mondial à Madrid et à l’ONU sur la question.


L’Algérie terre de symbioses intenses des cultures et des civilisations, de son côté, a toujours soutenu le rapprochement des peuples et le dialogue des civilisations, des cultures et des religions. Comme le symbolisent ses textes politiques de références, de 1954 à ce jour, et les discours du chef de l’Etat à New York en 2000, à l’Unesco en 2005 et à la Sorbonne en 2003. Sans oublier le colloque international d’Alger en 2001 sur le théologien philosophe algérien saint Augustin et les nombreuses conférences sur le dialogue. Le sujet est devenu un enjeu des relations internationales.


Les Occidentaux sous-estiment l’impact des discriminations à l’égard de leurs citoyens musulmans, l’impact du terrorisme des puissants que subissent des peuples en Irak, en Afghanistan et ailleurs, l’impact de l’impunité d’Israël en Palestine. De plus, le nombre de pertes de vies musulmanes, victimes à la fois du terrorisme des faibles et des puissants, est 1000 fois supérieur au nombre de victimes occidentales. On ne compte pas les morts de la même manière, alors qu’une vie égale une vie.
La cinquième cause est liée aux errements du libéralisme sauvage, à la crise économique et aux politiques isolationnistes.

Dans ce contexte, il est plus facile de susciter le rejet d’autrui que la solidarité et le respect mutuel. Les responsables des échecs et des faillites, détournent le problème vers autrui différent, occultant ses apports et les convergences. De plus, l’existence de sources d’énergie dans les terres arabes est appréhendée comme une menace à contrôler.


Des penseurs occidentaux, de Berque à Derrida, d’Esposito, à Sacks, de Ward à Wright, reconnaissent que l’extrémisme est l’anti-islam et d’autres comme Legendre, Badiou, Agamben, Nancy, montrent que l’islamophobie est le prolongement de l’antisémitisme. Cependant, l’amalgame absurde, sacrilège et contre nature islam-extrémisme fait des ravages. L’idée funeste d’autodafé du Coran, n’est donc pas le fruit du hasard. D’un côté l’Islam est pris comme cible de par sa vitalité qui dérange des non-musulmans, d’un autre côté il est trahi par des extrémistes. C’est donc le produit d’une stratégie préméditée, que Barack Obama prétend changer.


Des pyromanes occidentaux dénoncent le fanatique évangéliste, alors qu’ils ont contribué hier à nourrir la bête en pratiquant l’amalgame. Est une grande hypocrisie que l’empressement avec lequel des responsables occidentaux condamnent des actes islamophobes et antisémites, alors qu’ils procèdent d’un climat de défiance auquel ils ont contribué. Des régimes islamiques et des fondamentalistes crient à l’offense alors que, de leur côté, ils ont peu fait pour présenter le vrai visage de l’Islam, ni défendu la dignité des musulmans. Au contraire, par leurs réactions irrationnelles, ils ont déformé son image.

La menace de brûler des exemplaires d’un Livre Saint ayant apparemment pris fin, elle doit servir de leçon pour la communauté internationale, afin d’arrêter le délire généralisé de la propagande du «choc des civilisations» chez les extrémistes de tous bords. En rive Nord, la montée de politiques xénophobes, en rive Sud l’instrumentalisation de la religion, mènent le monde vers l’abîme.
Il faut s’attaquer aux causes
 
 
 
 

 


Retrouver le lien entre politique et éthique et reconnaître partout le droit à la différence, sont la base du vivre-ensemble. Il n’y a pas d’alternative à la sagesse, à la raison et au droit. Le dogmatisme de courants occidentaux en guerre contre tout signe spirituel musulman et l’intégrisme de croyants qui, faute de savoir éclairé, tombent dans le piège, nuisent à ceux qu’ils croient défendre.
La banalisation de la haine et la diabolisation d’autrui risquent de se généraliser si la pulsion de vie et le besoin de partage, qui amènent les hommes à s’unir, abdiquent face à la pulsion de mort et d’isolement.

Raison de plus pour ne pas s’abandonner à la lassitude, mais énoncer des formes de vie fondées sur la justice et la compréhension mutuelle et non point la peur chez les uns et la colère chez les autres.
Dans ce contexte de psychodrame, le ressentiment contre les musulmans de l’intérieur de l’Occident s’amplifie. Pourtant, l’immense majorité des citoyens occidentaux de confession musulmane est paisible, loyale, produit du lien social et se considère comme partie intégrante de la communauté nationale où elle vit. Elle tient, de plus en plus, un discours responsable sur ce que c’est être musulman aujourd’hui.


Nous refusons d’imaginer que le monde se dirige vers, d’un côté, un monde libéralo-fasciste, de l’autre, obscurantiste et totalitaire, où rien ne s’échange, rien d’humain ne circule, rien de sage ne se dit, sauf ce qui favorise des relations conflictuelles. Tous les Occidentaux ne confondent pas Islam et fanatisme. Tous les musulmans ne confondent pas agresseur et occidental.

 Condition première pour vaincre l’injustifiable extrémisme de tous bords et l’insécurité: il faut s’attaquer aux causes, c’est-à-dire l’injustice, l’ignorance et la paupérisation, pas seulement aux effets. Par la démocratisation des relations internationales, le dialogue des cultures et des religions, l’élargissement de notre sentiment d’appartenance à l’humanité toute entière l’emportera.
Les puissances occidentales, dans leur intérêt et pour être à la hauteur de leur responsabilité en tant qu’avant-garde du monde actuel, doivent réviser leur politique de la loi du plus fort, de l’hégémonie et de l’épouvantail en la figure déformée du musulman.

Si on travaille à régler les problèmes dus à l’injustice, comme en Palestine, si l’Occident se libère de sa vision étriquée de l’Islam, si l’école, au Nord comme au Sud, éduque à la reconnaissance de l’altérité, si les musulmans sortent des réactions aveugles, du syndrome de victimisation et s’ouvrent de manière vigilante au monde et, partant, si on dialogue vraiment pour pratiquer l’interconnaissance qui contribue au vivre- ensemble, on réduira le gap qui existe entre les deux mondes imbriqués et on tarira grandement les sources de tous les délires fanatiques.

Un pacte de paix et de justice entre l’Occident et le monde musulman? Cela implique une révision sur le fond des politiques actuelles et non des mesures lénifiantes pour la forme. A cette condition, il restera un avenir.


 
 
 
 

 

Mustapha CHÉRIF

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ramadan Karim

Ramadan Karim,

Que ce mois béni de l’abstinence et de la prière soit celui de l’examen de conscience et de la maitrise de soi, pour être plus humain, plus sage et ouvert au vrai, au beau et au juste !

Le calcul et la vision

RAMADAN ET LE CALENDRIER
Le calcul et la vision
Par Mustapha Cherif

Il est clair que la religion peut être autant source de bonheur que de malheur. Tout dépend de son interprétation et mode d’application. Tout comme les autres dimensions essentielles de l’existence, telle la raison, celle-ci peut être source de progrès ou de barbarie. Pour les matérialistes, la religion est présentée comme seulement ce qui vient interdire et la modernité comme ce qui veut autoriser. Il faut sortir de cette dichotomie. La foi alliée à la raison à travers l’histoire a prouvé qu’elle peut produire de la civilisation. Jeûner durant le mois de Ramadhan, devrait humaniser les comportements. A condition d’en comprendre le sens.
Ramadhan 1431 débutera au plus tard ce jeudi 12 août 2010. La nuit du doute est le mardi 29 Chaabân correspondant au 10 août. Le premier croissant, hilal, de la lune, astre lumineux le plus proche de la Terre, est le repère qui rythme la vie sur terre. La nuit du doute est une occasion pour observer le ciel et contempler sa beauté, surtout en plein été et dans les pays du Sud.

Foi et science

Le Coran institue le sawm sur la base de la vision: «Quiconque d’entre vous qui verra le mois qu’il jeûne pendant ce mois.» Le Prophète (Qsssl) dans un hadith authentique précise:
«Jeûnez quand vous le voyez et cessez le jeûne quand vous le voyez.»
Il faut dépasser la polémique au sujet du calcul et de la vision. La science est objective, ont peut s’appuyer sur ses calculs. Il n’y a rien qui s’oppose à la foi. On constate que les nouvelles générations exigent d’avoir un calendrier qui permette de prédire les mois lunaires avec certitude de façon globale. Aujourd’hui, des scientifiques musulmans répondent par l’affirmatif.
Il y a des raisons pratiques avancées, car l’incertitude sur le début du mois peut causer des problèmes pour les entreprises, pour les administrations et les citoyens. La capacité de planifier ses activités à l’avance est indispensable. Un calendrier «instable», ne permet pas d’être utilisé par les sociétés musulmanes comme un instrument de civilisation moderne, en face du calendrier grégorien devenu planétaire.


De plus, certains aspirent à symboliser l’unité de l’Umma sur la base d’un calendrier commun et fixe, afin de célébrer les temps forts de l’Islam en même temps. Cependant, il ne faut pas confondre uniformisation et cohérence. Il ne suffit pas que le croissant soit visible et de surcroit connu à l’avance en un point de la Terre pour que le début du mois soit décidé dans tous les pays. Le décalage horaire et la position propre à chaque région ne peuvent être occultés. C’est le rapport au lieu de vie de chaque peuple, le lien étroit, à dimension humaine, à la lune et au mouvement des astres qui sont déterminants.
La révélation décrit les phénomènes naturels et cosmiques qui doivent faciliter le rapport à la nature et la connaissance de la marche du temps: «Ils t’interrogent sur les premières lunaisons – dis: ce sont des jalons du temps, à l’usage des hommes, et pour le pèlerinage.» (2:189) Et «C’est Lui qui a fait du soleil un flamboiement, de la lune une lumière, qu’Il en mesure en stations pour vous faire connaître le nombre des ans et le calcul…» (10:5).

Le signe de la lumière

La vision du croissant, ru’yat-al-hilal, n’est pas seulement le moyen de compter le temps. Elle renvoie à un symbole mathal, celui du coeur du croyant qui cherche à s’illuminer de la lumière Divine, et se prépare à revivre la «descente» du Saint Coran, comme s’il était révélé à lui-même. Le signe de la lumière de la Révélation accueillie par le coeur humain, est symbolisé par le croissant lunaire progressif.


Selon les calculs d’astrophysiciens, à qui il faut faire confiance, le croissant de lune à l’oeil nu ne sera pas visible le 10 août. Le constat de la vision permettra de confirmer que le mois de Chaâbane fera peut-être 30 jours. Comme le souligne avec raison l’astrophysicien algérien Nidhal Guessoum: «L’observation du croissant conduit les chercheurs à proposer des solutions de plus en plus compliquées menant tout droit à une impasse. Ces solutions consistent à introduire des technologies et des systèmes d’analyse et de communication, en temps réel complètement démesurés…La solution « Kepler » consiste tout simplement à prendre conscience que l’astronomie d’aujourd’hui est non seulement capable de déterminer la position de la lune à chaque seconde, mais aussi la probabilité de son observation par l’oeil humain dans une région donnée du globe, et cela bien à l’avance.»


Il y a un charme, une dimension du mystère, à allier foi et science, que nul calcul en temps réel ne peut remplacer. La vision confirmative peut se faire à l’œil nu ou par le biais des observatoires. Si elle est confirmée, d’une manière légale, conformément aux recommandations du Prophète, les citoyens doivent suivre les autorités religieuses du pays où ils résident. Les cultures ne sont pas homogènes, il faut accepter la diversité et pratiquer la tolérance. Nulle contrainte en religion. Ramadhan Karim.

Ce mois spirituel est unique, car le jeûne, lié à l’abstinence, est un acte secret qui concerne le rapport personnel intime de l’être humain et son Créateur. Il permet de prendre du recul face à l’éphémère, de faire son examen de conscience et se souvenir que l’être humain est corps et esprit. Ni course effrénée, ni immobilisme, la vie attend de chacun mesure et équilibre. Le Ramadhan est un moment privilégié pour retrouver les conditions de solidarité nécessaires, pour un partage qui transcende la vie de chaque individu en vue du bien de la communauté.

Les dérives sociales et économiques constatées ne peuvent faire oublier le sens profond du mois de Ramadhan, qui est d’apprendre à vivre en fonction de la foi que la vie dernière est meilleure, tout en sachant assumer raisonnablement l’épreuve de l’existence sur terre. Le mouvement, l’équilibre, la mesure sont à la base de la vie créatrice. L’homme doué de raison peut allier calcul scientifique à l’avance et confirmation de la vision à l’œil nu. L’un n’empêche pas l’autre.

(*) MC est Philosophe
intellectuels@yahoo.fr

LA GUERRE CONTRE LES MUSULMANS

LA GUERRE CONTRE LES MUSULMANS


Quel diagnostic, pour quel remède?

La crise mondiale morale et économique montre qu’il faut dialoguer et faire face ensemble aux problèmes. Par-delà son hétérogénéité et des exceptions comme la Turquie, le monde musulman est malade. Il subit, ne sachant pas réagir face à la guerre multiforme, aux désordres, aux injustices. Bien plus, il sape parfois de ses propres mains ses bases. Diagnostic: le monde musulman, depuis au moins 1989 fin de la guerre froide, est visé comme le nouvel ennemi. Il semble résister surtout sous la forme du fondamentalisme qui est une réaction irrationnelle vouée à l’échec. Faute de société du savoir et de systèmes ouverts, c’est un refuge biaisé. Sur le plan international, les puissances dominantes qui pratiquent la politique inique du double standard, deux poids, deux mesures, alimentent le désespoir, ayant besoin d’un épouvantail pour asseoir l’hégémonie. Sur le plan interne, des régimes islamiques archaïques et coupés des masses craignent le changement et se contentent d’une stabilité précaire.


La désinformation bat son plein, la guerre est multiforme, informationnelle, économique et politique. Les problèmes du monde sont globaux, on manque de stratégie globale. Il faut toujours préférer la voie pacifique et scientifique. Les relations internationales ne sont pas démocratiques, les grandes puissances, malgré la prolifération de discours moralisateurs, ne sont pas justes, des régimes dans le monde arabo-musulman sont défaitistes et dépendants. Ils ne veulent pas se réformer. La descente aux enfers s’accélère. Tous les problèmes se posent en même temps: politiques, économiques et culturels. L’heure devrait être à la réflexion commune, à l’interdisciplinaire et à la maturation pour préparer solidairement et rationnellement l’action salvatrice. Est irrésistible ce à quoi on ne résiste pas.

Comptez sur nos propres forces


Pour un intellectuel engagé, le remède ne consiste pas simplement à dénoncer des injustices et à exprimer des opinions critiques, aussi pertinentes soient-elles, mais à énoncer des alternatives, dénouer des nœuds, proposer des lectures de la réalité, afin de favoriser une dynamique de transformation, le rapprochement entre la base et le sommet, pour la prise de conscience et de décision. Des intellectuels, marginalisés, désespèrent. Ce qui pose problème aujourd’hui, c’est moins l’incertitude en tant que telle que la démission, ou les illusions, pour établir la justice et subvenir aux besoins vitaux. Le soutien des puissances pseudo-démocratiques pour aider à sortir du sous-développement économique et des despotismes ne viendra jamais. Les intérêts mercantiles étroits et les calculs politiciens l’emportent sur l’éthique et les principes. Attendre le bon vouloir des Américains et des Occidentaux de changer de politique et de ton à notre égard, est du domaine de l’utopie, du «wishful thinking», si on ne change pas nous-mêmes.


Une nouvelle génération, intègre, compétente et engagée doit se préparer. La longétivité des potentats arabes bat tous les records. Il est choquant que malgré leurs atouts et potentialités, les pays arabes, détenteurs des plus importants fonds financiers souverains dans le monde, plusieurs milliers de milliards de dollars, acceptent l’injustice et l’humiliation que leur font subir Israël et les USA depuis des décennies. Au lieu d’assumer leur responsabilité, la démission alimente les surenchères des extrémistes. Tout le Monde arabe ressemblera un jour à Ghaza meurtrie par le sionisme, prison à ciel ouvert, si des mesures de ripostes politiques, économiques et diplomatiques ne sont pas prises. Il n’y a pas d’alternative à consentir d’énormes efforts. Pour ce faire, il faut se préparer, avoir les idées et les hommes pour bâtir sur le plan interne, comptez sur nos propres forces, les ressources humaines, asseoir une crédibilité, se faire entendre et respecter, en s’en tenant à nos principes et intérêts, quel qu’en soit le coût. Nul de sensé ne peut renoncer à forger une société où authenticité et progrès s’articulent. Ce modèle, le sionisme et les forces du culte du veau d’or le combattent.
L’impunité d’Israël dépasse toutes les limites, mais ce sont les Arabes qui sont faibles.

Le régime sioniste arrogant est dans la logique intégriste terroriste, qui exploite à outrance la shoah, falsifie la question juive et la lutte contre l’antisémitisme. L’indifférence d’intellectuels occidentaux et leurs points d’aveuglement, voire leur complicité, qui n’arrivent pas à voir les impasses, couronnent le tout. Le regain de l’islamophobie, les politiques d’ingérence et de répressions hémiplégiques, le recul de l’interconnaissance et la destruction des structures de l’Etat investisseur, régulateur économique et protecteur au plan social, sont les symboles des impasses de notre temps.


Le quatrième pouvoir, médiatique, en Occident, en passe de devenir le premier pouvoir, est investi par ceux qui réfutent le droit à la différence et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour faire diversion, ils portent leur attention surtout sur les personnages de culture musulmane qui renient et dénigrent leur origine et sur les courants radicaux, pour mettre en avant une image répulsive, archaïque et rétrograde du musulman, figure du résistant face à la deshumanisation et à l’injustice. Ce n’est pas une question religieuse, mais politique. L’Islam peut être vécu en conformité avec le respect des principes de la République et des droits humains universels. Les combats d’arrière-garde de ceux qui instrumentalisent la religion ou la marginalisent et la démission d’intellectuels, retardent l’émancipation et sont en contradiction avec les valeurs spirituelles auxquelles adhère la majorité des musulmans.


Face aux faiblesses et outrances réactionnaires du Sud et à celles provocatrices et immorales du Nord, à la volonté d’hégémonie totale des puissances occidentales, à leur tête les USA, la violence se consolide. La «résistance» se déverse sous la forme de l’extrémisme. D’autant que la «guerre» contre «le terrorisme international des faibles» se transforme en guerre contre les musulmans. Les extrêmes se nourrissent entre eux. Les sociétés musulmanes, qui subissent de façon directe les agressions en Palestine, en Irak, en Afghanistan, pour résister, puisent dans des coutumes tribales sous leur version archaïque. Faute de stratégie rationnelle, cela se transforme en dérives qui font le jeu de l’occupant.

L’hégémonie occidentale totale est impossible


L’Occident n’est pas monolithique. Des courants et intellectuels intègres, y compris juifs, sont engagés dans l’altermondialisation, d’autres dans la recherche d’un ordre mondial plus juste et le souci du multilatéralisme. Le remède: pour le Sud, produire des idées et des richesses et faire jonction pour changer le rapport de force devrait être le chemin. Une synergie est possible. L’enjeu sécuritaire réside aussi dans la définition du terrorisme. On doit travailler cette question au niveau international. L’Algérie pionnière peut y contribuer. D’autant, qu’au niveau arabe et africain, les conventions adoptées, sont le fruit de ses efforts. Le discernement est vital entre des actes inhumains et ceux de politiques de légitime défense, comme ultime recours. La question de la nature et des formes de la résistance, les voies et moyens pour défendre des justes causes et lutter contre l’occupant étranger, se posent.
La violence aveugle, que rien ne peut justifier, d’une minorité mortifère et manipulée, empêche l’opinion publique de constater que la résistance des opprimés et des exclus est souvent pacifique.

Le chemin pris par la majorité, comme en Palestine face au terrorisme d’Etat d’Israël, est celui de la protestation permanente non violente, mais cela n’est pas connu et médiatisé. Tout en sachant que les structures politiques, économiques et sociales que la domination coloniale a produites, ne favorisent pas facilement des ripostes paisibles, éclairées et réfléchies. Les puissants produisent des damnés de la terre désespérés, qui versent parfois dans l’acte isolé pour répondre à la violence inouïe de la domination.
La fuite en avant de régimes arabes et la «cécité» de grandes puissances sont suicidaires. En particulier, ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident doit être pensé et dévoilé.

Une partie de ce qui est perçu partout dans le monde, comme un signe de l’arrogance «occidentale», tient à la façon dont elle s’est approprié la raison, la démocratie, les droits de l’homme, le principe d’une société moderne, par opposition à toutes les soi-disant sociétés traditionnelles de toutes les autres civilisations. Et partant de chercher à imposer par tous les moyens, sa version unilatérale et problématique de l’existence et de la vie en société. Situation aggravée par la politique xénophobe qui vise, selon les époques, tel ou tel bouc émissaire, pris comme épouvantail, hier le juif, aujourd’hui le musulman.

L’opinion publique n’est pas dupe


Des médias occidentaux dans un climat de soutien à la poursuite de la politique «coloniale», de terrorisme des puissants et de rapacité, soutiennent inconditionnellement la politique inique d’Israël et font de la tolérance, de la démocratie et de l’humanisme, le trait distinctif propre à l’Occident. Ils nient les autres civilisations et attribuent à leur seule culture ces traits distinctifs. Pour leur propagande, au service de la soldatesque sioniste, à l’avant-poste du libéralo-fascisme, et non point des Lumières, ils sont passés maître dans l’art de la diabolisation du musulman. Mais l’opinion publique n’est pas dupe.


Dans de nombreux ouvrages, des penseurs objectifs, comme Jacques Derrida, Pierre Bourdieu, Jean-Luc Nancy, Pierre Legendre, Amartya Sen, Noam Chomsky, Edgar Morin, Alain Badiou ont montré combien l’idée selon laquelle «la démocratie» serait une conception exclusivement occidentale est dénuée de fondement. Il est clair que les médias dominants préfèrent donner la parole aux pyromanes et non point à ceux qui visent l’universel, l’éveil des consciences et discernent.


Ce n’est pas de l’intérêt des puissances occidentales de pratiquer l’arrogance, la politique inique des deux poids et deux mesures, de favoriser l’impunité d’Israël et de laisser faire des prédateurs. D’autant que l’hégémonie occidentale totale sur le monde est impossible. Les Américains en particulier doivent se comprendre comme ayant des responsabilités pour bâtir un monde où le droit et la réciprocité doivent prévaloir. Ils pourraient réaliser leurs réformes internes, mais tant que leur politique extérieure ne pratique pas le droit et l’équité, l’avenir restera sombre. L’idéologie du choc des civilisations repose sur l’idée fallacieuse que les identités sont cloisonnées et ne sont pas en mesure de se connaître, que sur le mode du conflit. Ce qui est contraire à la vérité historique, d’autant que les problèmes sont d’abord politiques.
Il ne s’agit pas de demander naïvement aux Américains de réduire leur pouvoir, mais de l’utiliser à bon escient, de prendre conscience que l’arbitraire est contre leurs principes et contre leurs intérêts à long terme, et partant, contre la stabilité du monde.

La solution doit être systémique. La peur, face à autrui différent, entretenue, amplifiée et manipulée, notamment par les sionistes, est mauvaise conseillère, elle secrète des agressions et des réactions interminables. Elle produit de la colère chez les opprimés, elle aussi mauvaise conseillère que les apprentis sorciers exploitent.
La loi de la jungle, la pratique de «la fin justifie les moyens», de la violence illimitée l’emportent sur celle de la Cité humaine qui se donne des règles, des balises et des lois. Il est clair que le monde actuel prend une bien mauvaise direction. Il a besoin de responsables, courageux et sages pour fonder de la justice.

Il n’y a pas d’alternative au vivre-ensemble. Le regain de l’islamophobie n’est ni un accident, ni conjoncturel, il présage de sombres lendemains, si les musulmans n’agissent pas intelligemment. Il ne peut y avoir de paix sans justice. L’Algérie de par son histoire, peut contribuer à un monde moins injuste.

(*) MC est Philosophe

La crise mondiale est totale

Mustapha CHERIF : La crise mondiale est totale
27 Juillet 2010 -

Le sionisme, qui agit dans l’impunité totale, le non-droit, exploitant à outrance l’histoire de l’Holocauste, a produit des zones de non -droit, Ghaza et Cisjordanie, et réduit le Palestinien à des infrahumains.

Toutes les sociétés, par-delà leur hétérogénéité, sont confrontées à la crise profonde et multiforme des valeurs, du comportement et de l’éducation. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de l’angoisse et des incertitudes. Violence, corruption et aggravation des pratiques injustes des deux poids, deux mesures sont les reflets de la crise déshumanisante.

La question est d’abord politique. Actuellement, il n’y a pas de projet de société clair et convaincant, ni de modèle satisfaisant. Pourtant, il n’y a pas d’alternative au savoir objectif et moderne et à l’idée d’une humanité qui allie authenticité et progrès. Le savoir scientifique et la pensée sage pour y parvenir sont la voie. Ce n’est pas la solution parfaite, garantie d’avance, mais le chemin de la démocratisation, de la société de la connaissance et du débat est incontournable. La compétence scientifique et intellectuelle et l’engagement ne garantissent pas le bonheur, mais ils sont irremplaçables pour évaluer, analyser et contribuer à mobiliser et décider, en somme sortir des archaïsmes; des illusions et du sous-développement.

Le droit, l’éthique, les fins sont à réinventer
Science sans conscience, comme disait Rabelais, ruine l’âme humaine. Le droit, l’éthique, les fins sont à réinventer.
Refuser de régir la vie sociale et internationale par le droit négocié voue l’avenir à des impasses. Les grandes puissances imposent leur point de vue sans tenir compte des autres, les régimes despotiques de même, les groupes dominants, qui monopolisent les pouvoirs, refusent le partage et l’alternance. La mondialisation rend complexes les possibilités de ripostes, mais les opportunités de s’organiser pour résister aux injustices et iniquités existent. Les sociétés civiles ne sont pas dupes et aspirent au partage et à la coexistence. La fonction du droit et l’anthropologie juridique sont au coeur de l’actualité qui met aux prises le droit et la violence injuste et illégale, le droit et sa réduction à une simple technique comme instrument de domination. Le droit appartient à la civilisation et au domaine de la légitimité et de la légalité.
Des théoriciens du droit reconnaissent qu’il y a danger du discours relativiste selon lequel le droit ne serait qu’une technique. Le libéralisme sauvage présente l’humain dans l’univers indifférencié où la personne est définie comme simple objet et nie le droit des peuples. De ce fait, le sionisme par exemple, qui agit dans l’impunité totale, le non-droit, exploitant à outrance l’histoire de l’Holocauste, a produit des zones de non -droit, Ghaza et Cisjordanie, et réduit le Palestinien à des infrahumains.

L’Occident complice à ce sujet parle de simple allégement au blocus et ne se rend pas compte que dans cette logique arrogante et fascisante toute la planète sera de plus en plus réduite à une zone de non-droit, où seuls des intérêts étroits, des régimes rapaces et des groupes prédateurs influent sur la marche du temps. Les discours de puissants sur la paix et la tolérance sont des leurres. Jamais, comme disait Derrida, le monde n’a été aussi inégalitaire. Tout en comprenant que les attentats du 11 septembre et des comportements irrationnels manipulés, amplifiés et exploités, de ceux qui usurpent le nom de l’Islam, ont produit un choc au sein de l’opinion occidentale, on constate que la guerre contre le terrorisme prend des allures de guerre contre les musulmans. Le système politique américain n’est pas monolithique, mais ses composantes néoconservatrices et droite chrétienne sont islamophobes. Une seule version de l’humain veut s’imposer.Les nouvelles colonisations sont celles du sens unique, de la volonté d’hégémonie, du culte du veau d’or, des chiffres: production, consommation, jouissance à tout prix, caractères génétiques, racisme, sans que le droit et l’éthique puissent intervenir comme valeurs garantes de la dignité humaine et du pluralisme. Il en va ainsi de la déréglementation du commerce, liée à la dictature du Marché et aux technologies de l’information et de la communication entre les mains de firmes monopolistiques. Des critiques avertis savent que des pouvoirs politiques chargés de la souveraineté étatique et du bien commun, cèdent, au nom de logiques économiques et d’intérêts étroits, à une privatisation des institutions, brisent les liens sociaux et produisent de la violence sociale. Le cynisme de ceux qui instrumentalisent le droit, l’économie et la religion ne peut perdurer. Rien ne tient. L’invention d’un nouvel ennemi, l’exploitation de la peur à des fins politiciennes et le retour de la politique de la canonnière auront le plus marqué ce début du XXIe siècle, alors que chacun escomptait un nouvel ordre international moins injuste. Tout est prêt à s’abîmer dans la contradiction et l’échec.
Des scientifiques parlent des traumatismes de l’être humain en souffrance d’une «vérité» qui lui est imposée. Pour les psychologues et psychanalystes, cela produit de la castration, dont Lacan a montré qu’elle était le nom de l’impossibilité à s’humaniser et à pouvoir tout dire et tenter de changer le monde. Malgré leurs promesses, les discours politiques du monde dominant et arabe se révèlent, chacun à sa manière, trompeurs. Les éléments d’un affrontement au sein du monde musulman entre occidentalisés et obscurantistes retardent le processus de changement vers une société ouverte sur le monde, fière de ses racines.

Ni opprimés, ni oppresseurs
Il est urgent de revenir à la compétence intègre, tout en tenant compte de valeurs propres. Sur le plan international, malgré les «bonnes paroles» du président Obama, la loi du plus fort est en train de mener au désastre. Sur le plan interne aux pays arabes, malgré des acquis et potentialités, la fuite en avant, la démagogie et la faiblesse en matière de bonne gouvernance ont atteint leurs limites. Avec des conséquences: violence aveugle, dérives, extrémismes, précarité, fuite des cerveaux, ce qui aboutit à une recolonisation sous d’autres formes et à des schizophrénies. Pourtant, la civilisation arabo-berbère a été lumineuse durant près de mille ans et des luttes de libération comme celle du 1er Novembre furent des épopées. Sans nostalgie, on peut participer à un monde moins inhumain et contribuer à la recherche d’une civilisation universelle juste qui manque.
A défaut de résoudre tous les problèmes, ici et maintenant de manière concrète, de répondre au malaise dans la civilisation, l’intellectuel, le cadre, le citoyen, notamment les jeunes, ne doivent pas s’abandonner à la lassitude, mais être attentifs à quelques pensées dignes et patriotes, de partout dans le monde, qui, loin de démissionner face aux défis de l’homme égaré dans un amas de mensonges, ouvrent une voie pour trouver l’inspiration en vue d’assumer les devoirs et exiger les droits. Inverser le cours des choses exige de la réflexion et de l’action. La gravité de la crise qui affecte tous les aspects de la vie, exige une nouvelle alliance entre les peuples pour jeter les bases d’un contrat civilisationnel. Ni opprimés, ni oppresseurs, telle devrait être la devise de notre temps.

(*) Philosophe
www.mustapha-cherif.net

Mise au point du Journal l’Expréssion du 16 Fevrier 2010

Les vrais propos de Mustapha Chérif
16 Février 2010 – Page : 4

Les propos du professeur Mustapha Chérif lors du Colloque sur les religions en Algérie, ont été rapportés de manière tronquée dans notre édition du 11 février. Notre philosophe et islamologue ne s’est jamais étonné de la demande de réciprocité exprimée par l’archevêque Bader. Il a au contraire affirmé que nulle contrainte en religion, la liberté de conscience est un principe non négociable et que la tolérance doit être le maître mot pour tous. Tout en appelant au discernement, pour différencier entre le droit légitime de témoigner librement de sa foi et le fait de pratiquer un prosélytisme agressif et clandestin à visée de domination. Tous les invités, présents, chrétiens et musulmans, ont apprécié la parole claire du professeur Mustapha Chérif qui œuvre avec franchise pour le vivre-ensemble et l’amitié islamo-chrétienne. Dont acte.

R.N