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La clarté gène les extrêmes, soyons clairs !

La  clarté gène les extrêmes, soyons clairs !

Que le monde musulman soit marqué par des faiblesses, des problèmes multiples et des difficultés qui méritent des critiques, sans aucun doute. Que des musulmans prêtent le flanc et trahissent la lettre et l’esprit du Coran, certainement. Que des non musulmans inquiets ou choqués ont le droit de critiquer tout cela , évidemment. Mais que des amalgames, des stigmatisations et des calomnies en somme un tas de mensonges racistes, soient déversés contre tous les musulmans, c’est inacceptable.

1) Les islamophobes sont aveugles, ils ne voient pas que l’humanité est d’abord -une- avant d’être plurielle, ils nient que le monde aujourd’hui est un. Ils disent: » Absolument pas. Il y a de la mondialisation, de l’uniformisation à l’oeuvre, de l’interconnexion aussi, mais le monde n’est pas un. » Ils ne se rendent pas compte que l’Orient et l’Occident sont imbriqués, que les causes des problèmes et de l’intégrisme sont liées surtout aux contradiction du système mondial dominant, que tous les peuples dans leur diversité sont confrontés aux mêmes défis et doivent avoir les mêmes droits et devoirs !

2) Notre vision ouverte de l’islam et du monde musulman les gène, car dépasse les faux clivages comme  celle entre croyants-incroyants, elle discerne entre la règle et l’exception, entre des groupes minoritaires extrémistes et l’immense majorité paisible. Cela les dérange , car les racistes  préfèrent l’amalgame et font croire que tous les musulmans sont des fanatiques . Ces islamophobes- racistes  pratiquent le simplisme que l’on retrouve dans la propagande du choc des civilisations… C’est eux qui essayent en vain de donnez corps à cette théorie fumeuse pour occulter les problèmes politiques, même si des divergences et des différences existent entre les cultures. Le fond commun et les convergences entre les cultures abrahamiques sont les plus décisifs.

3) Quand j’écris “Qui peut nier qu’il y a un Islam européen séculier, attaché, entre autres, à l’humanisme et à l’amitié islamo-chrétienne ? Ce qui signifie que le vivre-ensemble est possible.”
les islamophobes répondent qu’ils le nient, car leur esprit est troublé par l’ignorance et le refus de l’altérité…Ils reconnaissent à peine l’évidence : que les musulmans sont attachés à la vie séculière. Mais ils refusent de reconnaitre que l’islam est séculier, de par sa vision théorique/théologique fondée sur , l’absence d’Église et l’insistance sur le sens de la responsabilité et de la liberté ! Pas de contrainte en religion.
4- Ils prétendent que : « l’islam qui domine  est l’ensemble des idéologies fondamentalistes,  centrées sur une réactivité régressive à l’écart du mouvement du monde…, toutes arcboutées “contre l’Occident… » Ce qui est totalement faux, tout le monde sait que l’immense majorité des musulmans depuis quinze siècles a toujours été attachée à l’hospitalité, au partage, au progrés et à l’ouvert, ce qui a permis le vivre ensemble et a produit de la civilisation.

5- Autre contre vérité grossière pour faire diversion, et renverser les rôles, par haine de la religion, ils affirment  que : «  C’est l’islam politique qui veut “coloniser” le monde, pas l’Occident… » Alors que jamais le monde musulman n’a été autant faible et agressé qu’aujourd’hui, et l’Occident aussi puissant travaillé par l’ambition d’hégémonie totale, sous mille prétextes le discours alarmiste, exagéré et infondé, des islamophobes est d’abord celui des extrêmes droites  et des ignorants manipulés, qui amplifient les dérives de pseudos musulmans archi-minoritaires qui usurpent le nom ! Les extrémistes de tous bords se rejoignent et s’alimentent.

Conclusion: Le mensonge peut courir un an , la vérité le rattrape en un instant ! L’opinion internationale n’est pas dupe ! Elle sait que malgré des acquis techniques et scientifiques, la crise de notre monde actuel est grave et profonde, que les injustices  et les impasses sont grandes. L’invention d’un bouc émissaire pour faire diversion est vouée à l’échec. Nous avons besoin les uns des autres, par delà nos différences pour retrouver de la civilisation , une morale , de l’éthique, une Cité juste.

Mustapha Cherif

Le Master a débuté

Le Master International en Etudes islamiques et Arabes de l’Université Ouverte de Catalogne , par Internet, a bien débuté ! Les prochaines inscriptions sont fixées pour Mars 2010.

A L’HEURE DU REGAIN DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’ISLAMOPHOBIE , le savoir et la connaissance sont le chemin de la riposte intelligente et raisonnable.  Contredire la propagande du choc et assurer le vivre ensemble passent par le recul de l’ignorance.

Les prophètes

Un fidèle internaute pose la question suivante : Combien de prophètes, selon le Coran, « Dieu » a-t-Il envoyé à l’humanité?

Réponse :

Le Coran, précise, sans donner de chiffre, que Dieu , depuis Adam, a envoyé un messager, au moins, à chaque peuple. La raison en est qu’un des principes est de ne pas demander des comptes à un peuple sans l’avoir au préalable averti au sujet du sens de la vie et de la mort et du licite et de l’illicite. Tout en sachant que intrinsèquement l’humain porte en lui les signes de la guidance, du mystère, car doté de la raison, de l’intuition et de la sensibilité. Le Coran cite le nom de vingt-sept prophètes et indique qu’il y en a eu d’autres, qu’il ne cite pas. Parmi ces vingt-sept, on trouve cinq considérés comme décisifs dans l’histoire du salut : Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Muhammad. Ces cinq prophètes sont les grands messagers de Dieu. Ils sont appelés « Oulou-Al-azm », les prophètes « doués de constance ». Chaque prophète a été privilégié par un degré et une station propre par « Dieu ». Tous les prophètes, à travers le temps, sont, frères les uns des autres, chacun d’eux, inspiré par Dieu, et confirme ses prédécesseurs. Le Prophète est la synthèse de tous les envoyés, l’archétype universel : « Mohammed n’est le père d’aucun de vos mâles, mais l’Envoyé de Dieu, le Sceau des prophètes. Dieu de toute chose est connaissant.» (S 33 V 40)

Un trait marquant de la croyance islamique, sur le chapitre des prophètes, est que les Musulmans croient et respectent tous les messagers de Dieu sans aucune exception et sans faire de différence : « Dites (ô Musulmans) : nous croyons en Dieu, à ce qui nous est révélé, à ce qui fut révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et à leurs enfants, à ce que Moïse, Jésus et les prophètes ont reçu de leur Seigneur. Nous ne faisons pas de différence entre eux, et nous sommes résignés aux volontés de Dieu. » (Coran, 2, 236). Tous les prophètes sont envoyés par le Dieu Unique, et dans le même but : apprendre à l’humanité à surmonter l’épreuve de l’existence, à vivre en vérité et se souvenir de Dieu l’Unique, l’Un.

Apprendre à vivre ensemble, croyants et non croyants, musulmans et gens du Livre, hommes et femmes, de toutes cultures et origines, c’est l’épreuve de notre temps. L’être ouvert et sincère est celui qui donne l’exemple. Soyons fier de ce que nous suivons comme voie lumineuse et respectons la pluralité du monde et les voies multiples de ceux qui cherchent la lumière.

Mustapha Cherif

Que veut le peuple?

L’AVENIR DE LA JEUNESSE
Que veut le peuple?

Par Mustapha Cherif
11 Juin 2009 -

Le peuple algérien veut sortir de la malédiction, de la sinistrose, du pessimisme

Il veut vivre paisiblement, s’engager pour le pays, en sortant enfin de la fuite en avant et des égoïsmes.

Les événements se suivent et ne se ressemblent pas. L’imprévu, l’incertain, guettent toujours, si on ne prête pas attention à ce que veut le peuple. Sur le plan national, un événement heureux a été enregistré ce dimanche 7 juin 2009. Le match Algérie-Egypte, qui a pris des allures de phase finale de Coupe du monde, mérite un commentaire. Le regard de sociologue et philosophe nous oblige à tenter de discerner et lire un événement de masse.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que la patrie de Jugurtha, de Massinissa, de l’Emir Abdelkader, de Lalla Fatma Nsoumer, de Novembre, et tant d’autres jeunes Algériens qui ont fait l’histoire, recèle encore des potentialités sur tous les plans, notamment humains.
Même si les épreuves que connaît l’Algérie, depuis au moins deux siècles, sont traumatisantes et handicapantes. Ainsi, ce match de football n’est pas seulement question de sport et de l’heure du renouveau qui a sonné pour les Verts. Le stress, les violences, les problèmes que subissent les Algériens depuis des décennies, ont en fait un peuple à fleur de peau, à la limite de névroses et maux inquiétants. Nous devons réapprendre à être à son écoute, il veut vivre paisiblement, s’engager pour le pays, en sortant enfin de la fuite en avant et des égoïsmes. Il s’agit de l’avenir de la jeunesse.

Les jeunes ne veulent pas sombrer
Le stade de Blida, et toutes les rues d’Algérie, ce jour du 7 juin, traduisait des symptômes qui ne mentent pas: le peuple algérien veut sortir de la malédiction, de la sinistrose, du pessimisme. «One, two, three, viva l’Algérie!!», les courses de voitures des supporters, les drapeaux qui flottent presque partout, la manière ensuite presque délirante dont la joie éclata, montrent que le citoyen algérien recèle encore des richesses insoupçonnées, mais en même temps, il semble au bord du désespoir. Il ne veut pas sombrer, il croit encore en son pays, il cherche la lumière. La névrose qui traverse nombre de nos concitoyens, qui ont besoin de protection, de repères et d’espérance montre que nous sommes face à un problème de société. La compréhension étroite et stérile de la religion et les dérives ont aggravé la situation de recul et de déculturation.
Comme en réaction à la mal-vie, les jeunes de l’Equipe nationale portés par tout un peuple, ont été traversés par la magie de l’instinct de conservation, par le miracle algérien. La deuxième mi-temps verra des Algériens hypermotivés, décidés à renverser le sort, avec la ferme intention de redresser la situation. Il ne s’agit plus de tactique, ou de plus malins, mais d’une onde surhumaine et juvénile qui dépasse le football. Des journalistes sportifs l’ont compris, ils décrivent avec justesse la réalité psychologique sur le terrain: «Plus de mordant, plus d’envie, plus d’engagement et surtout beaucoup plus de rage. Une rage bien à l’algérienne cette fois. Celle qui nous fait faire des miracles par moments, comme celui de marquer des buts aux meilleures équipes du monde.» Le beau jeu que les Verts développeront alors ne nous réhabilite pas seulement avec celui des années fastes, mais surtout fait renouer le peuple algérien avec le refus de la malédiction. Le peuple veut un peu de joie et de bonheur d’être algérien. La classe politique, aux yeux des jeunes, se trouvant en même temps disqualifiée, dépassée, usée. Le peuple sait que malgré des acquis, la société est profondément malade, et semble fataliste, mais ce match, malgré son côté éphémère, montre qu’il reste un avenir. Les Algériens, pourvu qu’on leur fasse confiance, peuvent surmonter toutes les épreuves. Ce qu’ils n’admettent pas c’est le refus du dialogue et la marginalisation. Mais, de par leur comportement pessimiste, ils se marginalisent encore eux-mêmes. Pourtant, un peu de joie et de progrès, c’est possible.

Tournés vers leur patrie
Qui l’eut cru? Les joueurs de Saâdane dominèrent et montrèrent qu’ils étaient capables de faire autant ou mieux que leurs aînés au point de tenter l’impossible. Des pulsions de vie que personne ne pouvait contenir tant la clameur du stade les stimulait: les jeunes étaient, un moment, en train de faire mentir la dénomination de harraga. Ils ont allumé le feu de la passion de mouiller le maillot pour la patrie, dans le coeur des joueurs, un seul désir: gagner, au sens de survivre, vivre! Qui le veut, le peut. C’est cette maxime que l’on doit réapprendre à la jeunesse. On doit aussi prendre acte que le football est un catalyseur, un des facteurs de mobilisation de la jeunesse. Quand saura t-on enfin donner tous les moyens à la Fédération nationale de football, et mettre en oeuvre ce que tant d’entraîneurs souhaitent depuis des décennies: des écoles de football et un grand centre de regroupement digne de ce nom?

Eduquer, responsabiliser
Le peuple, mi-conscient mi-inconscient, est ensuite sorti, pour crier sa joie, qui cache à peine sa douleur trop longtemps refoulée de subir trop de mauvaise gestion de la chose publique, trop de fermetures et de dégradations, ce n’est pas la même joie comme en 82. L’équipe nationale n’a pas seulement réalisé une victoire historique face au détenteur de la Coupe d’Afrique, elle n’a pas fait uniquement honneur au football algérien, elle a enclenché un début d’exorcisme contre toutes les formes d’impasses et d’échecs. C’est pour cela que nombre de journaux ont titré «Magnifique!» et que des commentaires disent à l’unisson: «C’est un grand jour pour l’Algérie…nous n’avons jamais gagné de cette façon. Ce n’est pas une simple victoire…» Un simple match de football révèle l’état d’une société. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement tous les sportifs algériens qui ont vu qu’il était possible de se décomplexer et encore moins les seuls footballeurs, mais toute la jeunesse algérienne. L’après-déclic, l’après-victoire sont le plus dur, sur le plan psychologique. Il ne faut pas décevoir ce cri du coeur, ces gestes forts, ces signaux éclatants. C’est aussi à cause de ces moments que nombre de citoyens algériens à l’étranger regrettent leur exil. Et souhaitent tant partager un retour de l’Algérie sur tous les plans: «L’ambiance, l’Algérie me manque vraiment», disent -ils. Faisons en sorte que les yeux des jeunes et des élites, résidents ou expatriés, soient toujours tournés vers leur patrie. Elle le mérite infiniment.
Il restera, plus que jamais à redoubler d’efforts tous pour éduquer, former et sensibiliser la jeunesse sur le respect de la vie commune. Le comportement du citoyen s’est dégradé. Le sport est un vecteur d’apprentissage de l’esprit d’équipe et du renforcement du lien social. L’éducation tournée vers l’avenir doit prévoir la découverte pour tous des principes de la morale et de l’importance de la règle de droit dans l’organisation des relations sociales, au travers de principes modernes comme: «La liberté de l’un s’arrête où commence celle d’autrui», ou juridiques «nul n’est censé ignorer la loi», «on ne peut être juge et partie». C’est la formation du patriotisme, de la citoyenneté et de la sociabilité. Autonomie de l’individu et lien social pour s’adapter sans cesse à la diversité et à la vie collective sont le but de toujours. L’école, tout le monde le sait, est en crise, en retard, c’est une responsabilité de tous, gestionnaires, pédagogues, parents, société civile, politiques, médias. Il est temps, sans imitation aveugle, qu’on tire les leçons des expériences pédagogiques passées et des autres pays pour forger l’école de demain, libérer la société, s’arrimer au progrès universel, en cherchant à retrouver le sens de la communauté médiane, car «science sans conscience n’est que ruine de l’âme». Gagner un match de football c’est bien, mais gagner la bataille de l’éducation, de la ressource humaine, de la compétence, c’est inestimable. Trop d’interférences, de bureaucratie et d’incompétence bloquent l’entrée dans le XXIe siècle. Cette rencontre de football démontre qu’il n’y a pas de fatalité. Bien plus, l’Algérie peut donner l’exemple d’un développement équilibré qui garde une mémoire vivante de ses épopées et se tourne résolument vers l’avenir, guérissant ses traumatismes, et maîtrisant ses pulsions. Y a-t-il plus beau pays que l’Algérie? Y a-t-il plus belle histoire de lutte de libération et de peuple attaché à la liberté? Y a-t-il plus belle jeunesse que la nôtre si on sait lui faire confiance? Le peuple connaît la réponse et veut le démontrer tous les jours.

(*) Professeur en relations internationales
www.mustapha-cherif.net

Mustapha CHERIF (*)

vivre en symbiose

Le nouveau concept devrait être celui de « Symbiose » ,  car dialoguer doit avoir un but et l’alliance est une notion qui implique de se liguer contre d’autres…alors que « Symbiose » signifie partage, mixité, harmonie, complémentarité, échanges et transformations. Le refus de l’autre; le choc , la confrontation, et la violence sont voués à l’achec. Vivre en symbiose avec nos racines et le temps présent, c’est assumer la pluralité du monde et l’unité du genre humain, tous freres, croyants et non croyants, musulmans, juifs , chrétiens, boudhistes et humanistes. Un seul objectif devrait être commun: la justice. Vivre en symbiose pour respecter et honorer la vie.

Le dialogue avec les non-croyants

Il est indispensable de rester ouverts et de débattre pour vivre ensemble.

Etre tolérant n’est pas suffisant. Il est salutaire d’être hospitalier, de penser les autres sources culturelles, à commencer par celles  qui ont généré d’une part la modernité, d’autre part le monothéisme, pour parvenir à la compréhension de notre histoire et de notre temps. Cette aptitude au sens de l’ouvert, du décentrement, du déplacement du regard n’est pas évidente dans la trame du règne de la pensée unique. Le penchant à l’ethnocentrisme domine trop souvent. Le citoyen occidental semble avoir des difficultés à sortir du cadre mental gréco-romain et moderniste, et le musulman aujourd’hui a des difficultés à imaginer et comprendre l’autre différent en particulier l’athée. Le dialogue devrait permettre d’apprendre à tenir compte des autres visions culturelles. Les racines, les valeurs et l’horizon du monde arabo-musulman ne sont pas assez connus et vis versa. En découvrant les richesses et les singularités de l’autre et son sens du rapport au monde; on peut apprécier ce qu’on pourra échanger en ce qui concerne la recherche d’une nouvelle civilisation qui fait défaut.

Mustapha Cherif

La sagesse?

En quoi consiste la sagesse ?

Aujourd’hui elle semble absente, invisible, insaisissable. Trop de personnes semblent perdues haineuses, et commettent des actes fous ou déraisonnables. Où sont les sages qui rappellent les règles de la vertu, le savoir sur le sens de la vie ? Comment revenir à la sagesse ? En apprenant d’abord à écouter, à être attentif, à se maîtriser, la peur et la colère sont de mauvaises conseillères.

Islam and the West: A Conversation with Jacques Derrida

Islam and the West: A Conversation with Jacques Derrida Mustapha Chérif, trans. by Teresa Lavender Fagan, foreword by Giovanna Borradori. Univ. of Chicago,  (128p) ISBN 978-0-226-10286-3

The sentiments at the heart of this book are admirable: an understanding that democracy is constantly evolving (“democracy is the only political system… which accepts its perfectibility…. Democracy is always to come”); the belief that it is only by engaging the Other that we can end humanity’s struggles; the need to remember that there is no single way of being Muslim or Western. However, the ideas are enervated by their poor presentation; the conversation between Derrida and Chérif is meandering and esoteric and not intended for a general audience; furthermore, this slim volume is also deeply repetitive and all but devoid of actionable suggestions—readers will be frustrated by repeated calls for dialogue that come unencumbered by suggestions as to how to work toward that goal. The book’s most peculiar flaw is its paucity of Derrida—the short conversation is overwhelmed by two introductions, a conclusion and a touching afterword—a eulogy to the philosopher, who died some 15 months after this discussion took place. (Oct.)

GRANDEUR ET DÉCADENCE


Pourquoi le monde musulman est paralysé?

Par Mustapha Cherif



C’est au niveau politique, des libertés fondamentales, de la justice sociale et des rapports entre l’Etat et la société que les réformes décisives attendent d’être menées.

Même si la situation est hétérogène, que des progrès ici ou là sont bien visibles, et qu’il représente une sorte de dernier résistant moral aux dérives de notre temps, le monde musulman, dans sa forme contemporaine, est comme paralysé. Tout en pratiquant l’esprit critique, il doit sortir du sous-développement, se réformer en profondeur et s’arrimer au mouvement du monde.
Certains considèrent que sur le fond se pose le problème des valeurs, de l’ouverture au changement et à la différence. L’histoire est parfois mythe, légende sublimée ou dénigrée, et non point laboratoire créant le présent et l’avenir. Sur le plan pratique et sociologique interne, le conservatisme et l’inculture semblent parfois dominer, en raison des courants archaïques et rentiers qui freinent la dynamique de progrès, et à cause des effets pervers de la colonisation et du contexte international marqué par le désordre et le recul du droit. Sur le plan théorique, par contre, la possibilité de produire une autre modernité, de conjuguer le spécifique et l’universel, de progresser et d’échanger avec les autres le savoir est une donnée évidemment irréfutable. Le rapport à l’universel s’énonce tout au long du Coran. La question se présente sous la forme du binôme unité/pluralité. Le rapport à
l’autre différent est au centre de l’épreuve de la vie. Aujourd ‘hui les musulmans sont visés, car à la fois, ils tentent de s’opposer aux injustices, témoignent de leur fidélité au monothéisme et à leur droit légitime à la différence. Leur image est déformée et ils sont victimes de l’intolérance de l’ordre dominant. L’islamophobie a pris des proportions inquiétantes. Le monde occidental, malgré l’expression de bonnes volontés ici ou là, bien réelles, généralement refuse le dialogue vrai. De ce fait, lorsqu’on fait le bilan subit, colonialisme, sionisme, hégémonie, mondialisation de la loi du plus fort, recul des études sur la civilisation islamique et remise en cause de son apport, propagande du choc, nombre de musulmans affirment que c’est l’autre qui nous agresse et ne veut pas nous reconnaître. En conséquence on doit user de ripostes et réactions intelligentes, afin de faire reculer les préjugés et ce nouveau racisme. La première est de pratiquer l’autocritique pour savoir où se situe notre responsabilité, nous réformer, faire reculer les extrémismes, apprendre à communiquer et démocratiser nos sociétés, pour ne pas prêter le flanc. Il s’agit de projeter la communauté médiane prônée par le Coran et la Sunna dans les conditions de notre temps, en étant créatif. Tout appelle à l’ouverture dans la vigilance, d’autant que pour être reconnu il faut se connaître.


L’absence de débats démocratiques


Devenir un monde développé, qui participe à l’éclosion d’une nouvelle civilisation humaine et préserver notre singularité, sont conditionnés par un diagnostic de nos problèmes. Certains considèrent qu’ils sont culturels, qu’il faut revenir à l’ijtihad, sortir des carcans religieux, des traditions fermées, et sclérosées. Lorsqu’on parcourt, comme Ibn Khaldoun, l’histoire dans cette région du monde, on constate que la décadence s’enclenche quand le système est rattaché uniquement à un souverain, un groupe ou une dynastie sans base. La marginalisation des individus et des peuples, l’absence de la prise en compte de leur situation culturelle, économique, sociale, de leurs besoins et aspirations aboutit au sous-développement. Les peuples réalisent leur autonomie relative de décision après une critique en règle des systèmes qui monopolisent les pouvoirs. D’autres affirment avec conviction qu’il faut revenir aux sources, à la voie spirituelle, données qui ont fait la force de nos ancêtres. Certains nous demandent d’imiter l’Occident qui domine le monde sur la base du savoir technique. D’autres enfin prétendent que l’économie est le nerf de la guerre, qu’il faut se remettre au travail. Ces points de vue ont une part de vérité. Mais, il faut se
rendre compte que, premièrement, tous les problèmes se posent en même temps. Une seule dimension ne peut résoudre la question du développement et de la civilisation.
Deuxièmement, la crise est générale, d’abord en Occident dont le modèle marchand s’éprouve en impasse et risque la déshumanisation, malgré des prodigieux progrès. Troisièmement, le point faible des sociétés musulmanes actuelles est politique et son point fort est le fait qu’il dispose d’un texte fondateur incomparable : le Coran. C’est d’injustice que se plaignent les citoyens et non point d’absence de sens, même s’il faut toujours assumer et approfondir sa compréhension. C’est au niveau politique, des libertés fondamentales, de la justice sociale et des rapports entre l’Etat et la société que les réformes décisives attendent d’être menées. L’absence de bonne gouvernance, de participation, de projet de société cohérent pose des problèmes d’avenir. Au centre de ce débat, l’école, la question des élites, celle des compétences et des ressources humaines.
Tant que l’on craint l’émergence de nouvelles élites, que l’on refuse les débats, on restera dépendants. Soumettre à la volonté de quelques-uns la masse des musulmans est un procédé qui ne peut plus fonctionner. La preuve: les taux d’abstention réels aux «élections» dans la plupart de ces pays. Sortir du sous-développement? C’est évidemment possible, mais cela relève d’une responsabilité collective et nécessite un prix, celui des ruptures et non du changement dans la continuité. L’histoire des musulmans de notre temps est malheureuse dans la mesure, non pas où elle connaît, comme les autres, des avancées et des reculs, mais du fait que la fuite en avant persiste, ne se manifeste pas la possibilité de tirer une leçon des impasses et paralysies. Cette possibilité s’appelle la démocratie. Le désespoir des nouvelles générations, la crise de confiance à l’égard des responsables, et le doute vis-à-vis d’eux-mêmes sont dus à l’absence de débats démocratiques. Même si, ce qui crée l’amalgame, la religion est parfois déformée et utilisée comme un refuge, voire instrumentalisé; la foi reste vivante dans l’immense majorité des cœurs des musulmans, de tous pays et de toutes cultures, reste à bâtir un monde juste.

(*) Professeur des Universités

Création d’un Forum catholiques-musulmans

Création d’un Forum catholiques musulmans pour le dialogue entre le Vatican et l’islam

Journal LE MONDE | 06.03.08 | Inédite dans l’histoire des relations interreligieuses, une instance permanente de dialogue entre le Vatican et des dignitaires musulmans représentant plus de 40 pays va se mettre en place dans les prochains mois. La première rencontre de ce Forum catholiques musulmans se tiendra à  Rome du 4 au 6 novembre, ont annoncé les délégations catholique et musulmane réunies au Vatican les 4 et 5 mars. Elle rassemblera 24 représentants de chaque religion, dont, côté musulman, 12 religieux et 12 intellectuels. Les trois journées d’échanges s’achèveront par une rencontre avec le pape Benoît XVI.Cette décision est l’aboutissement d’une initiative lancée en octobre 2007 par le prince jordanien Ghazi bin Muhammad bin Talal : dans une lettre signée par 138 dignitaires musulmans (aujourd’hui au nombre de 222), venus des différents courants de l’islam, le prince invitait les responsables de toutes les Eglises chrétiennes à  s’engager dans un dialogue avec l’islam, estimant que « la survie du monde est peut-être en jeu ». Cette lettre faisait suite au discours controversé que Benoît XVI avait tenu, en septembre 2006, à  Ratisbonne (Allemagne) sur les liens supposés entre l’islam et la violence, puis à  sa rencontre avec l’intellectuel algérien Mustapha Cherif.La création d’une instance permanente, susceptible de se réunir en cas de crise, telle que celle liée à  la publication des caricatures de Mahomet en 2006, va au-delà  des pistes envisagées au départ par les deux parties. Le cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, avait certes qualifié la démarche des dignitaires musulmans d’ »historique » et le pape avait salué « l’esprit positif » de la lettre, …La journée du 4 novembre devrait être consacrée à  des échanges sur les fondements spirituels et théologiques des deux religions. 

Stéphanie Le Bars