Lu dans AllAfrica.com : Mustapha Cherif

Lu dans : AllAfrica.com

Mustapha Chérif

Xavier Messè

15 Septembre 2010


Antoine Sfeir et Mustapha Chérif sont différents et complémentaires. Chacun a 50 ans et plus. Ils ont choisi de vivre tous les deux de l’écriture. Chacun à son tour, quand l’inspiration le lui a permis, il a produit un ouvrage qui a fait le bonheur des libraires Antoine Sfeir est préoccupé par les sévices que les musulmans d’Orient infligent aux chrétiens qui partagent avec eux cet espace géographique. Un chiffre à propos fait peur : en 1987, il y avait 80 000 chrétiens à Jérusalem. Ils sont moins de 6000 aujourd’hui.

Mustapha Chérif lui, vivait dans l’ombre de ses écrits à succès, notamment « l’Islam : tolérant ou intolérant » (Ed. Odile Jacob, Paris, 2006). Subitement ce 12 septembre 2006, à Ratisbonne le pape Benoît XVI fait une sortie médiatique complètement ratée. Lancé dans un commentaire débordant, le successeur de St Pierre insinue que l’Islam est une religion qui ignore la raison et qui pratique la violence.

Les musulmans se sentent offensés. Mustapha Chérif, cet écrivain et philosophe algérien qui, deux mois plus tôt, avait envoyé son dernier livre au pape. Suite aux déclarations affligeantes du pape, l’intellectuel algérien ne rate pas l’occasion : premier musulman de l’histoire à être reçu en privé par le pape pour parler de l’islam,

Il rappelle alors poliment à Benoît XVI son ignorance totale des réalités de l’Islam. Il condamne la violence dans toutes ses formes, il dit au pape qu’il faisait l’amalgame entre «les vrais musulmans pacifistes» et les «intégristes violents».

On doit observer deux époques, deux comportements et deux confessions : l’époque ancienne et l’actuelle, l’intolérance et la tolérance, le christianisme et l’islam. Le discernement est ardu dans ce contexte. Si l’église catholique d’une certaine époque avait fait de l’Inquisition une lecture erronée de l’évangile, pourra-t-elle totalement se laver les mains de ceux pratiquaient cette exclusion ?

Karl Marx ne pourra-t-il pas reconnaître qu’une autre lecture de la « dictature du prolétariat » avait engendré le goulag ? Et lorsque Salman Rushdie, dans ses évasions romanesques, écrit les « versets sataniques » qui lui valurent la fatwa, doit-on reconnaître là, la tolérance ou non dans les habitudes religieuses de l’islam ?

Il y a des excès de part et d’autre. Ces excès provoquent « le choc du futur », prophétie de Alvin Taller à la fin des années 1960. Ils sous- tendent le « choc des civilisations » annoncé par tout le monde ; ils sont à l’origine du « choc des religions » qui opposent les fidèles de Jésus à ceux de Mahomet.

Mustapha Chérif a conseillé a Benoît XVI pour lui éviter l’amalgame : « Ne confondez pas les 15 dernières années (faites de violences interreligieuses – Ndr) avec les 15 siècles de notre histoire commune où nous avons vécu ensemble, malgré les épisodes sombres comme les Croisades et la Colonisation « 

Il existe des tableaux sur lesquels l’Occident ne brille pas par l’imagination, la créativité et la tolérance. La religion est de ces tableaux-là. En Irak où les Etat Unis ont exporté une guerre, dans les Balkans, au Moyen Orient, en Europe Occidentale, on se tue pour un foulard, ou pour une croix ; au Royaume uni, protestants et catholiques ne se supportent pas.

Le Cameroun, sur ce plan, peut exporter son eucuménisme. On célèbre Pâques, le Ramadan dans l’union. On va invariablement à la Mosquée et à l’Eglise ; on s’habille en veste ou en boubou sans complexe. C’est cela la leçon que le Cameroun donne au reste du monde.

Xavier Messè

15 Septembre 2010

 

Laisser un commentaire