Jeûner

LA CULTURE SPIRITUELLE


Le Prophète (Qsssl) et le Jeûne

Par Mustapha CHERIF

La culture arabo-musulmane permet de forger des êtres de paix s’ils sont fidèles à leurs préceptes bien compris. Le mois sacré de Moharem est un excellent temps pour se cultiver et jeûner, notamment le 9 eme et 10 eme jours, qui rappellent la sortie d’Égypte du prophète Moise ( que la paix soit sur lui)  En ces temps dit modernes, marqué par l’oubli de la religion, l’oubli du sens de la vie, l’ignorance au sujet de la culture religieuse est grande. Le Jeûne est une excellente occasion pour rappeler des valeurs-clés. Le Prophète (Qsssl) aimait le mois du jeûne, Ramadhan plus que tous les autres mois de l’année. Il revivait le temps de l’annonce de la Révélation et la récitation du Coran. Le Prophète (Qsssl) recommande de faire l’expérience de la vie et, en même temps, il appelle à la retenue, à la mesure, à la maîtrise des désirs et des besoins, ce qui est sagesse. Se souvenir du Vrai et du but de la fin c’est cela le Jeûne. Dans cette dimension se nouent la cohérence et l’harmonie visées par l’Islam, entre la recherche du sens par l’homme et le projet de salut voulu par Dieu.

Jeûner c’est faire l’expérience concrète de la vie personnelle, intérieure, dont seul le Jeûne se veut dans ce sens, maîtrise de soi, abstinence mesurée en vue d’un retour à l’essentiel, à la prime nature. «Ô vous qui croyez, le jeûne vous a été prescrit comme à vos devanciers» (S2, V183), ce verset, par lequel débute le passage coranique relatif au mois de Ramadhan, indique d’emblée l’universalité du jeûne qui est un rite présent dans toutes les traditions. Il se distingue des autres oeuvres d’adoration en ce qu’il ne consiste pas à accomplir des actes prescrits mais à s’abstenir. Son essence est immuable, même si ses conditions et ses règles varient d’une forme traditionnelle à une autre.


Les actes dont il convient de s’abstenir; comme l’absence de nourriture, de boisson et d’acte sexuel, en sont seulement la modalité courante. Le Coran utilise pour désigner le jeûne deux termes de la même racine: siyâm qui se rapporte exclusivement au jeûne légal, et sawm, qui désigne le jeûne en tant que tel.
Ce dernier terme n’apparaît qu’une seule fois dans le Coran où il est mentionné, de manière fort significative, en relation avec la Vierge Marie: désespérée à la pensée du scandale que risquait de provoquer auprès des siens sa maternité exceptionnelle, elle reçoit de l’Ange Gabriel ce conseil: «Si tu vois quelque créature humaine, dis: « J’ai voué un jeûne (sawman) au Tout-Miséricordieux et je ne parlerai aujourd’hui à aucun homme »» (Cor. 19,36).

Le terme sawm désigne donc ici un «jeûne de silence», une abstention de parole. Une parole du traditionaliste Abu Umama relate un fait significatif: «Je m’approchai de l’Envoyé et lui dis: « Donne-moi un ordre que je prendrai directement de toi! » Il répondit: « Adonne-toi au jeûne, car il n’a pas de semblable ». Il n’a pas de semblable parce qu’il est dépourvu d’extériorité et de réalité propre, il est intime, invisible, et appartient tout entier au Créateur, dont le Coran dit: « Rien ne Lui est semblable »» (S.42, V11)


Le jeûneur se sent en contact avec Celui qui l’a créé, et qui le récompensera. Nul ne peut vérifier si vraiment untel jeûne, hormis «Dieu». Le jeûne dévoile intérieurement les dispositions du croyant à maîtriser ses désirs et ses passions, il ne s’agit pas de simples privations. Le Coran attribue au jeûne une forme de perfection. La tradition rapporte que «Dieu» réserve dans le Paradis une porte pour les jeûneurs, dénommée «al Rayyân». C’est un privilège considéré comme sans pareil.


Le juste milieu


Selon de nombreux commentateurs, notamment mystiques, il existe une analogie entre le jeûne et le pèlerinage. L’état de dépouillement et de sacralisation, ihrâm, comporte lui aussi des interdits, et des abstinences; comme le jeûne, il confère au pèlerin un statut spirituel élevé.
La différence réside dans le fait que, pour le jeûneur, cette qualité est intime, intérieure, tandis que le pèlerin manifeste ce lien intérieurement et extérieurement, dans les actes et rites. Les religions monothéistes en ces temps dits modernes, par-delà leur situation hétérogène et la vivacité de l’Islam qui maintient un rapport interhumain, perpétuent parfois leurs traditions dans le dogmatisme figé ou bien dans la dilution, dépassées par la société de consommation, elle-même incapable de faire place à une foi de la mesure.


L’Islam se veut la religion du juste milieu et de l’équilibre. L’harmonie, la cohérence, la complémentarité entre le croire et le vivre, les rapports ouverts au temps et à l’espace sont vitaux. Jeûner c’est réactiver ces qualités.
Sur le plan pratique et social, le fait de jeûner est aussi un moyen de penser aux défavorisés, aux pauvres, à ceux qui souffrent de la faim et des privations.
Le jeûneur doit prendre encore plus conscience de la valeur des biens que «Dieu» lui octroie, et par là évitera à la fois le gaspillage et l’avarice. Le jeûneur se réjouit de la rupture du jeûne (fitr) en équilibrant les droits du corps et de l’âme.


Le Prophète (Qsssl) au sujet du Jeûne durant le mois de Ramadhan aurait dit: «« Ô gens! Le mois béni est arrivé à vous avec la bénédiction, la miséricorde et le pardon ». C’est le meilleur des mois. Ses jours sont les meilleurs des jours, ses nuits sont les meilleures des nuits, ses heures sont les meilleures des heures. C’est un mois durant lequel vous êtes tous invités à être les hôtes du Seigneur et vous êtes placés au rang des gens honorés. Pendant ce mois, votre souffle est glorification, votre sommeil adoration, vos bonnes actions sont acceptées et vos implorations exaucées. Demandez à votre Seigneur avec une intention sincère et un coeur pur de vous faire réussir le jeûne et la lecture de Son Livre, car misérable est celui qui se trouve privé du Pardon pendant ce mois grandiose. Rappelez-vous en ayant faim et soif, la faim et la soif du jour du Jugement. Faites l’aumône à vos pauvres et à vos indigents.»


Il insistait au sujet du respect d’autrui: «Respectez vos personnes âgées et soyez miséricordieux envers vos jeunes. Renouez vos liens de parenté, faite attention à votre langue, détournez votre regard devant l’illicite et n’écoutez pas ce qui vous est interdit. Attendrissez-vous sur les orphelins des autres, on s’attendrira sur les vôtres. Repentez-vous de vos fautes et levez vos bras pour implorer Dieu aux heures de vos prières car ce sont les meilleures heures pendant lesquelles le Tout-Puissant regarde Ses serviteurs avec Miséricorde. Il leur répond s’ils s’entretiennent avec Lui. Il leur donne satisfaction s’ils L’interpellent. Il les exauce s’ils L’invoquent.»

Le bon exemple

Il rappelait que l’acte doit suivre la parole,  pour donner  le bon exemple: «O gens! Vos âmes sont prisonnières de vos actes, libérez-les en demandant pardon! Vos dos sont alourdis par vos fardeaux, soulagez-les en prolongeant votre prosternation. Sachez que Dieu a juré par sa Puissance de ne pas punir ceux qui prient et ceux qui se prosternent; de ne pas les effrayer par le feu de l’enfer le Jour où les gens se lèveront pour le Seigneur des mondes. ô gens! Celui d’entre vous qui, pendant ce mois, offre le repas de la rupture du jeûne à un jeûneur croyant, aura le pardon de ses fautes passées…»


Il utilisait des symboliques fortes et des allégories pour sensibiliser et responsabiliser les croyants: «ô gens! Les portes du paradis sont ouvertes pendant ce mois, demandez à votre Seigneur qu’elles ne soient pas fermées pour vous. De même, les portes de l’enfer sont fermées, aussi; demandez à votre Seigneur qu’elles ne soient pas ouvertes pour vous. De plus, les démons sont enchaînés, demandez à votre Seigneur qu’ils n’aient pas de prise sur vous.»
Jeûner devrait être une occasion pour l’examen de conscience et réémettre en question nos habitudes, nos défauts et insuffisances. Les préoccupations de nombre d’entre nous sont terre à terre, matérialistes, liées à la course pour le profit et la loi de la jungle.


Des rigoristes en profitent pour déformer la religion qui sert de refuge dans les périodes du désespoir. Le monde athée a perdu la boussole et déshumanise. Des religions de concessions en concessions ont perdu leur âme. L’islam de son côté est encore vivant. Il est temps de se souvenir de l’essentiel, de la sagesse et de l’éthique.
Les défis sont immenses. Il s’agit d’oeuvrer pour que la capacité des êtres humains retrouve du sens et de l’efficacité, qui ne soit pas un trop-plein en prétendant combler le vide.
Vivre de manière  ouverte, pieuse et juste était l’un des messages-clés du Prophète (Qsssl). Il ne faut jamais l’oublier.

Mustapha CHERIF

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