Retour à L’éthique

Retour à L’éthique

Par Mustapha Cherif

La culture arabo-musulman vise l’éthique et au vivre ensemble dans la paix. Il n’y a pas d’alternative au dialogue des cultures. La recherche d’une mondialité juste repose sur l’échange, le partage et sur des règles éthiques, auxquelles nul ne devrait déroger. La question de l’éthique est centrale. Elle n’est pas une simple question de morale, elle précède toute autre dimension dans l’ordre du fondement. Elle concerne la conception du monde, les normes universelles, les conditions du lien social et de la Cité juste, en somme le code de conduite des Etats, des sociétés et des individus. Notre époque, est celle du malaise de la civilisation, de la crise de confiance, des valeurs, de la crise économique, de l’écart entre théorie et pratique.

Un monde juste qui a du sens

Le libéralisme sauvage, marqué par la perte de l’éthique, perturbe l’humanité. Par delà des progrès prodigieux sur le plan des sciences et des techniques, des bienfaits de la liberté pour favoriser l’autonomie de l’individu, de la recherche scientifique et de l’entreprise en économie, un malaise profond traverse notre temps. Se pose la question clé liée à l’éthique: quelles sont les finalités? La majorité des citoyens du monde recherche un monde plus juste qui a du sens.

La rupture entre l’éthique et les activités sociales, la marchandisation de l’existence, le non respect du droit et le double standard sont rejetée par de nombreux courants: progressistes, altermondialistes, écologistes, humanistes, spiritualistes et hommes et femmes de bonne volonté. L’heure ne peut être qu’au retour de l’éthique. Dans le monde entier, l’oubli des valeurs éthiques produit un effondrement de l’horizon civilisationnel. Une vision de l’avenir liant science et éthique, économie et morale, doit guider les chercheurs. L’éthique et la morale, depuis trois siècles, sont souvent considérées par le monde «libéral», comme la survivance de coutumes révolues.

L’idée de progrès s’est imposée à la pensée moderne en vertu d’un travail opposé à l’éthique. Le laisser-faire, laissez-passer, la loi du plus fort, la rupture entre raison et éthique, et l’absence d’exemplarité ont abouti à la permissivité, au relâchement du lien social, à des impasses. La nature et la société sont perturbées, tant sur le plan écologique qu’au niveau de la biologie et du psychisme humains. Des dérives caractérisent le système mondial dénué d’éthique. Aujourd’hui, les citoyens, de partout, recherche une vie digne et équilibrée, les élites sont face à leurs responsabilités pour œuvrer dans le sens de l’intérêt général, s’engageant pour le long terme, dépassant tous les calculs étroits.

L’éthique est aussi naturelle que l’air que l’on respire, lié au sens du monde. Elle a participé, et le peut encore, de manière décisive, à la civilisation.
Le monde marchand s’est formé dans une métamorphose du rapport général au monde qui privilégie l’individu autocentré niant les valeurs éthiques. Une ligne dominante est visible: l’immoralité et la politique des deux poids, deux mesures.

Un avenir reste encore possible

Le monde du libéralisme sauvage et de la politique du double standard, et celui de l’extrémisme, perturbent les fondements de l’humanité. Ceux qui pratiquent l’apologie du système dominant, la fuite en avant, la démagogie tout comme ceux qui le dénigrent sans discernement et n’ont pas d’arguments face à ce constat critique et concret, se drapent des oripeaux de « l’optimisme » pour les uns ou du péssimisme pour les autres, , pourtant, il ne s’agit en rien d’être « pessimiste ou optimiste», mais de dénoncer les dérives, la propagande, la désinformation, et énoncer les voies du vivre ensemble, en dialoguant, en somme de se tourner résolument vers l’avenir. N’est irrésistible que ce à quoi on ne résiste pas, un avenir reste encore possible.

La question indépassable de l’éthique, de la morale et du sens, se pose plus que jamais pour toutes les activités humaines. Pour qui adhère aux valeurs de l’esprit, il est clair qu’il y a de moins en moins de liens possibles entre la conception hégémonique et le sens de la vie auquel les peuples sont attachés. Ce ne sont plus des références éthiques qui gouvernent le monde, comme l’a fait, durant des siècles le monothéisme, mais une logique coupée du sens. La modernité unilatérale a permis de l’émancipation et en même temps a produit des inégalités, des injustices et de la déshumanisation.

Aujourd’hui, de plus en plus de peuples prennent conscience de ce paradoxe et se veulent modernes et humains, libres et conformes à une éthique. Lier authenticité et progrès est le but. Cette exigence est prometteuse. Cela signifie que l’on peut répondre à la désignification du monde, autrement que par le repli ou la depersonnalisation.
La crise appelle au dialogue, à un retour de l’éthique, à une transformation des valeurs des finalités et significations que nous devons réinventer. L’humanité n’a pas abdiqué. Les potentialités de notre univers, les richesses humaines et la science devraient permettre de surmonter les difficultés, si l’éthique est respectée.

Le retour à l’éthique est la voie

Les intellectuels et chercheurs ont pour tâche de reconstruire des réponses qui articulent authenticité et progrès, éthique et efficacité, harmoniser le spécifique et l’universel, l’individu et la communauté, l’unitaire et le pluriel, le permanent et l’évolutif. La fonction des intellectuels et scientifiques est essentielle pour réhabiliter ces relations. Face à la prise de conscience de citoyens de toutes cultures et de tous les pays, il est requis de contribuer à reforger le lien social.

Les atteintes à l’éthique dans tous les domaines, le recul du droit, la remise en cause de valeurs universelles et la perte de sens nécessitent une nouvelle pensée et une nouvelle gouvernance. Au vu des défis, nous devons plus que jamais réformer l’acte d’éduquer, de cultiver, d’instruire, pour forger de nouvelles générations qui ont le sens de l’éthique, de la morale, des valeurs d’intérêt général. Des générations responsables de leur devenir, vigilantes, capables de renforcer le lien entre citoyenneté et éthique, entre économie et morale, science et conscience.

Avec lucidité et détermination, donner l’exemple, en s’appuyant sur les trois dimensions essentielles : le droit, la science, l’éthique, afin de construire une société équilibrée est la priorité de notre temps, car la société de consommation, dénuée de sens et de justice, ou celle de la tradition fermée, ne peuvent êtres un modèle. C’est  le contraire de la civilisation. Sur la base de l’éthique, pratiquée, respectée, intégrée, nourrie par le dialogue interculturel et l’exemplarité, les jeunes retrouveront une culture humaine ouverte. Ils seront demain acteurs de leur devenir, pour forger une nouvelle civilisation universelle qui fait défaut. Le retour à l’éthique est la voie.

MC

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