Prix UNESCO 2013 La Culture Arabe résiste au temps

Mustapha Cherif

Je remercie l’UNESCO et l’Emirat de Shariqa pour cette haute distinction qui m’honore et à travers ma personne honore mon pays l’Algérie. Le prestigieux prix Unesco Shariqa de la culture arabe et du dialogue des cultures récompense aujourd’hui mon inlassable parcours des trente dernières années et ma vocation d’intellectuel passeur entre les deux rives. Cette reconnaissance internationale témoigne de l’expression des nobles principes fondamentaux de paix de l’Unesco en harmonie avec les valeurs de la culture arabe et du patrimoine de mon pays qui inspirent mon action : toute culture d’avenir qui touche les cœurs et la raison est une culture du dialogue, de l’interconnaissance et de la coexistence.

J’ai une pensée pour la grande figure emblématique qui éclaire ma voie, l’Emir Abdelkader El-Djazairi, le père de la renaissance de la culture arabe, chevaleresque et humaniste. Il avait répondu qu’il avait sauvé des milliers de chrétiens à Damas « par fidélité à la foi musulmane et pour respecter les droits de l’humanité ». Je peux dire que pour ces raisons j’œuvre à la promotion de la culture arabo-musulmane et au rapprochement interculturel entre les peuples. Tissant sans cesse des liens entre les cultures, j’enseigne que vivre ensemble est possible.

Quel avenir pour la culture arabe en ce XXIe siècle ? Tel est le thème de notre cérémonie. Ma réponse se veut directe et claire : la culture arabe résiste au temps et représente une chance pour faire reculer l’uniformisation. Ses atouts résident dans son sens de la fidélité aux racines, de l’ouverture au monde et du respect de la diversité. Elle se veut une culture de l’éthique et de la transversalité, qui puise dans le monothéisme, l’humanisme et l’ancestral.

Elle rappelle nos sources communes et répond à l’aspiration fondamentale pour une vie libre et digne. La culture arabe nous permet de nous affirmer tels que nous nous voulons. Elle propose le renouveau, (tajdid), et l’interprétation (l’ijtihad), sa version de la vérité de l’existence, pour rendre l’humain à la plénitude première.

Hier creuset d’une révolution de la parole et de l’écrit, elle a été un pont entre le monde ancien et le monde moderne, entre l’Orient et l’Occident, notre civilisation commune était islamo-judéo-chrétienne et gréco-arabe. Demain, si nous restons à l’écoute de la pluralité, si nous savons être à la hauteur de la culture arabe, trait d’union qui articule authenticité et progrès, qui appelle au respect de l’égale dignité, et magnifie la fraternité et l’hospitalité, nous réinventerons une civilisation universelle qui aujourd’hui fait défaut.

La culture arabe se fonde sur l’idée de la communauté médiane, umatou el wassat, et de l’homme universel, al insan al kamil, pour réaliser le vivre ensemble. Elle traduit la capacité de s’élever. Cela implique l’effort d’ouverture et la reconnaissance des différences comme richesse. La culture arabe intègre la variété du dedans et celle du dehors.

Pour la culture arabe, il s’agit de garder vivant le sens plénier de l’existence, où le ciel et la terre s’harmonisent, où le local se conjugue avec la mondialité, où l’individu et la collectivité ne s’opposent pas, où l’on éduque à la culture de la paix et à l’acceptation de désaccords raisonnables. D’autant que la culture arabe appartient à de multiples horizons. L’Histoire le montre : africain, berbère, asiatique, européen. Sa langue, sa littérature et son art de vivre témoignent d’un sens inépuisable de la synthèse du monde.

Nous avons à examiner par le dialogue comment résister à la déshumanisation, à la marchandisation et aux extrémismes. La référence qui reste valable ne consiste pas dans ce qu’un seul monde souhaite, mais dans ce qu’ensemble nous pouvons reconnaître comme des finalités. Pratiquer l’interculturel, favoriser la diversité, est un facteur de progrès humain. Dans un monde désorienté, c’est cette voie de l’émulation pour le bien commun, à laquelle nous invite la culture arabe. Je vous remercie.

Mustapha Cherif

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