Crise du monde musulman et agréssion

FACE A L’ AGRESSION ISRAÉLIENNE CONTRE GHAZA


Pourquoi le monde musulman est en crise?


Les causes sont internes et externes. La responsabilité est collective. Face à cette nouvelle guerre génocidaire à Ghaza, où se joue l’avenir du monde, les peuples musulmans sont révoltés et se demandent pourquoi 22 pays arabes, 55 pays musulmans, un milliard et demi de citoyens sont-ils impuissants à défendre la juste cause palestinienne? Les causes sont internes et externes. La responsabilité est collective. Il ne s’agit ni de se flageller et pleurer sur notre sort, ni d’accuser les autres de tous les maux, mais de chercher à comprendre pourquoi est-on arrivé à un tel degré de faiblesse face aux agressions, à l’injustice et aux humiliations.

Premièrement, qui peut nier les faits, nous avons à faire face à une doctrine féroce pas comme les autres, que soutient la première puissance du monde et nombre d’autres forces. Depuis 60 ans, le sionisme est une idéologie raciste qui favorise le nettoyage ethnique, l’occupation coloniale et les massacres. Le monde arabe a été comme surpris et réveillé de sa léthargie par les événements de l’après-Seconde Guerre mondiale. De plus, la plupart des pays étaient sous le joug colonial. Aujourd’hui, la doctrine du sionisme met en danger toute la planète en ayant réussi à inventer un nouvel ennemi, en menant la guerre contre l’Islam. L’Islam, civilisation de la ligne médiane, qui a orienté vers le vrai et fait ses preuves, notamment en ayant participé à l’Occident d’hier, est aujourd’hui le témoin abrahamique, figure du résistant, du droit à la différence, face au règne du culte du «veau d’or», des idolâtries et dérives de notre temps qui portent atteinte à la nature humaine et à la nature elle-même.La provocation permanente
Cette singularité, cette différence et dissidence légitimes, sont considérées comme insupportables et donnent l’occasion aux sionistes de mettre en avant la propagande fumeuse et non scientifique du «choc des civilisations». De plus, la position stratégique du monde arabe et musulman, avec ses richesses naturelles, fait de lui une cible particulière. Les sionistes pratiquent l’amalgame, fabriquent et nourrissent les extrémismes, en vue de répandre la peur et partant, de dominer. Ils ont pu, pour le moment, déformer l’image des musulmans et fait d’eux la source de la menace majeure de notre temps. Profitant des contradictions de nos sociétés et à force d’exploitation des crimes commis par des groupes politico-religieux manipulés, poussés au désespoir et apparentés à l’Islam, depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et plus encore après le «11 septembre 2001», l’invention d’un nouvel ennemi, dont a besoin cyniquement la logique du chaos, s’est renforcée. Elle se caractérise par la provocation permanente, la pratique de l’amalgame, entre le musulman et les adeptes de la violence aveugle, pour faire diversion aux impasses politiques. Pourtant, contrairement à ce qui est colporté, l’immense majorité des musulmans, de par le monde, rejette la violence aveugle et revendique le droit à la résistance face aux agresseurs et occupants. Pour paralyser toute forme de protestation au sujet de leur propre violence sauvage et majeure, qu’ils font subir au peuple palestinien, les sionistes exploitent à outrance le souvenir de l’immonde, l’holocauste, et la mauvaise conscience occidentale, en se mettant au- dessus de toutes les lois. Cette situation ne peut durer, elle est vouée à l’échec.
Mais, entre-temps, si on ne communique pas pour expliquer tout cela, même si des centaines, voire des milliers de Palestiniens sont tués par les sionistes, on risque de ne pas voir une mobilisation massive de l’opinion publique occidentale contre les crimes de guerre des sionistes. C’est sur le fond de la méthode que le monde musulman est faible. Ses valeurs et sa politique sont considérées comme foncièrement négatives par les étrangers. Seuls les groupes et individus doués de repères moraux, de facultés de discernement précises et conscients des impostures soutiendront les musulmans opprimés. Il est donc impérieux de communiquer, d’expliquer le fond de la question, de contrecarrer les mensonges et de déconstruire les schémas mystificateurs. L’émotion, le ressentiment et la colère ne résoudront rien. Seuls les faits historiques et les arguments irréfutables de la juste cause palestinienne peuvent changer les rapports de force et démasquer les cyniques. Il s’agit, en même temps, d’exiger l’égalité entre Palestiniens et Israéliens, d’autant qu’il existe des dizaines de milliers de Juifs de par le monde qui savent que le sionisme, c’est l’anti-judaïsme et l’antihumanisme.
Expliquer de façon réfléchie, à l’opinion publique internationale, que, malgré des moments difficiles, par le passé nous avons pu vivre des siècles ensemble, pourquoi cela sera-t-il impossible aujourd’hui? Cependant, il n’y a pas de paix sans justice. Nous devons mettre fin aux amnésies, débattre, mener une action fondée sur la communication, le savoir et la vigilance afin d’élargir les forces attachées à la justice. Enseigner, informer, discuter afin de liquider les confusions est le chemin pour amener la communauté internationale à refuser: que l’on dépossède un peuple de sa terre, qu’on le déshumanise en lui infligeant des traitements barbares et que l’on impose un monde de non-droit. Reste à corriger nombre de nos faiblesses internes, afin de ne pas être en contradiction avec les arguments. Il faut croire encore aux vertus de la raison, aux bienfaits du dialogue vigilant et au vivre-ensemble, dans notre monde marqué par l’interdépendance et la multiplicité.A l’écoute des gens
La deuxième cause de l’impuissance entretenue est donc politique et interne. La faiblesse de la base sociale et populaire, de l’Etat de droit, de légitimité pour la plupart des régimes arabes et islamiques, empêchent de résister suffisamment aux ingérences et pressions externes. D’où la dichotomie, le fossé, l’abîme qui séparent souvent les peuples et les gouvernements. Cela ne signifie pas que la majorité des citoyens appellent à la guerre ou à l’aventurisme. Il s’agit seulement pour eux d’user de moyens de pression, ils existent, et de se mobiliser pour mettre en jeu les intérêts de nos partenaires et des puissances, afin qu’ils agissent et appliquent le droit. Dans le contexte d’inertie et d’attentisme, l’archaïsme, l’autoritarisme, doublés paradoxalement de laxisme et laisser-aller, et le sous-développement rongent nos sociétés. Sans un minimum de participation des citoyens au devenir, à l’ouverture et à la responsabilisation du peuple, ce qui n’est pas populisme, aucun défi ne pourra être vraiment relevé.
Pour résister, mobiliser, remettre les gens au travail et compter sur ses forces propres, même si le peuple, comme disent Jean-Jacques Rousseau et Ibn Khaldoun, ne sait pas toujours ce qui lui est nécessaire, et que les notions d’élites et d’avant-garde sont majeures, il est vital de sortir des monopoles, des mépris, des arrogances. Il s’agit sans démagogie, d’être à l’écoute des gens, de dialoguer, de décentraliser, de partager et en même temps de donner la priorité à l’édification d’un Etat de droit fort. Cette culture de l’Etat et de la société civilisés, ne pourront se réaliser que si la priorité absolue est donnée en particulier à la réforme de l’école, au savoir et à la connaissance. Face aux menaces, risques et incertitudes, le rapport de force décisif est moral et scientifique, et la méthode salutaire est la prévention. Que veut-on aujourd’hui dans le monde musulman: sombrer dans la «colonisabilité» sous des formes obscures et la démission, ou contribuer par la force de nos compétences et de nos richesses à la recherche d’un monde digne, plus juste, gouverné par la raison, le droit et le sens des responsabilités? Ummat el Wasat, la communauté du juste milieu attend d’être réinventée. La faiblesse actuelle n’est pas une fatalité, mais le résultat d’une conjoncture de facteurs défavorables. Le pays de l’épopée de Novembre a tous les atouts pour donner l’exemple du renouveau.

Mustapha CHERIF

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