Réalité et perspectives du musulman

 

 

Réalité et perspectives du musulman

Par : Mustapha Cherif (*)

Le Ramadhan permet de prendre du recul et de se pencher sur la question du sens. Les pulsions, les égoïsmes et les désirs effrénés empêchent de prendre la mesure de l’existence. Le Coran a été révélé pour permettre de dégager le sens explicite du monde qui n’est pas donné d’avance et de réaliser le vivre ensemble. A contrario, les discours dominants inculquent une perception consumériste de la vie et une vision essentialiste de l’autre. La civilisation fait défaut. Au lieu de rester généreux, humble, et de discerner, chacun voit autrui comme un adversaire et avec arrogance ne reconnaît pas le droit au pluralisme.
Le monde musulman, malgré ses richesses et potentialités, est marqué par des faiblesses, des problèmes multiples et des difficultés qui méritent des critiques. Des musulmans prêtent le flanc et trahissent la lettre et l’esprit du Coran.
Des non-musulmans, inquiets ou choqués, ont le droit de critiquer. Mais des stigmatisations sont enregistrées contre tous les musulmans témoins de la spiritualité qui résiste à la marche du temps. Même si tous les Occidentaux ne succombent pas à la propagande, des amalgames sont entretenus entre  les termes — musulmans et fanatiques — à cause de ceux qui se comportent mal.
En Orient, les termes Occident, chrétienté et impérialisme se succèdent sans que la distinction soit faite. Alors qu’il faut savoir que l’Occident n’est plus chrétien, au sens où il l’était il y a des siècles. Nous avons des amis humanistes, de toutes cultures, qui s’opposent aux injustices et à la deshumanisation.
Les islamophobes et les extrémistes sont aveugles. Ils ne voient pas que l’humanité est à la fois une et plurielle. L’Orient et l’Occident sont imbriqués. Les causes des problèmes et de l’intégrisme sont liées surtout aux contradictions du système mondial dominant. Tous les peuples, dans leur diversité, sont confrontés aux mêmes défis et doivent avoir les mêmes droits et devoirs.
La vision ouverte dépasse les faux clivages comme celle entre croyants-incroyants. Elle discerne entre la règle et l’exception, entre des groupes minoritaires extrémistes et l’immense majorité paisible. Les islamophobes pratiquent le simplisme de la propagande du choc des civilisations. Ils essayent de donner corps à cette théorie fumeuse pour occulter les problèmes politiques, même si des divergences existent entre les cultures. Le dialogue des cultures n’a pas pour finalité d’établir un banal cosmopolitisme, mais une pluralité véritable. Les convergences entre les cultures abrahamiques sont décisives. Rechercher l’alchimie du bonheur est légitime. Le lien entre raison et foi est une voie propice.
Quand on écrit : “Qui peut nier qu’il y a un Islam ouvert, attaché à l’humanisme et à l’amitié avec autrui ? Le vivre-ensemble est possible.” Les extrémistes nient ce fait. Leur esprit est troublé par l’ignorance et le refus de l’altérité. Ils ne reconnaissent pas que le Coran ouvre la possibilité de la vie séculière. Distinguer sans opposer, ni confondre, le temporel et le spirituel est la voie. L’islam religion et monde devrait favoriser la sociabilité. Il est théoriquement fondé sur l’harmonie, la cohérence et le sens de la responsabilité.
On doit s’inquiéter des oublis et des écarts entre théorie et pratique, car comme dit le dramaturge : “Les ancêtres redoublent de férocité.” La méchanceté des hommes contredit la noblesse des principes. Une école de pensée et des hommes intègres peuvent réanimer les principes contre les déviations, faciliter le renouveau, le tajdid.
Des islamophobes prétendent que “dominent  des idéologies centrées sur une réactivité régressive à l’écart du mouvement du monde…” Généraliser ce phénomène est injuste. Malgré des dérives, l’immense majorité des musulmans reste attachée à l’hospitalité, au partage, au progrès et à l’ouvert. Ce qui a permis le vivre-ensemble et a produit de la civilisation.
Le discours des islamophobes est d’abord celui des extrêmes droites et des ignorants manipulés, qui amplifient les dérives de “croyants” minoritaires usurpateurs du nom de l’Islam. Les extrémistes de tous bords s’alimentent.
L’opinion internationale n’est pas dupe. Personne n’a le monopole de la vérité, et celle-ci mérite que l’on apprenne à l’interpréter. Malgré des acquis scientifiques, la désignification de l’existence a atteint un seuil inquiétant, la crise, les injustices et les impasses sont grandes.
L’invention d’un bouc émissaire pour faire diversion est vouée à l’échec. Jeûner, c’est aussi apprendre à se remettre en cause, à se tenir à distance. Nous avons besoin les uns des autres, par-delà nos différences, pour retrouver l’équilibre, faire reculer les extrêmes et semer de la civilisation.

 

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