Forum des Intellectuels Algériens

Forum des Intellectuels Algériens

Colloque  « Réconciliation et paix nationale »

Université de Tiaret-22-23 Mars 2009

Monsieur le Président, votre présence est un signe de votre attachement au rassemblement des algériens et au dialogue. Nous avons l’insigne honneur de vous présenter la synthèse des travaux de notre colloque. Par souci d’engagement, le Forum des Intellectuels Algériens a animé à Tiaret un colloque sur la réconciliation et la paix nationale, point central de votre sage politique. Tiaret est marquée d’histoire, capitale des Rostémides, lieu où Ibn Khaldoun à vécu, ville qui a accueillie l’Emir Abdelkader, et tant de savants, de maîtres spirituels et de patriotes, un havre du vivre ensemble millénaire. L’appel au débat est pour tout intellectuel une opportunité pour rétablir l’échelle des valeurs, loin du dénigrement et de l’apologie. Rien n’est donné d’avance, nul n’a le monopole de la vérité. Il s’agit de nous engager pour le bien commun et de donner du sens à la vie collective.

«La réconciliation et la paix nationale», sujet politique,  a été traité sous les dimensions de l’éthique, du droit, de l’économie, de l’information et de la philosophie, dans une perspective historique, non restreinte à l’aspect sécuritaire, qui reste néanmoins déterminant. La politique de réconciliation nationale est sage et raisonnable. Votre vision pour une paix durable par des moyens politiques s’inscrit dans un projet de société juste, stratégique et civilisationnel. Des interrogations sont perceptibles au sein d’une partie de l’opinion, concernant la mise en œuvre. Des familles de victimes affirment qu’il est difficile de pardonner, notamment du fait qu’il n’y a pas de demande de pardon. Ils estiment que la paix civile nécessaire à la construction du vivre ensemble à besoin de justice. Ils soutiennent la démarche de la paix. La Nation est solidaire avec les victimes du terrorisme et honore les innocents, en assurant le dépassement de la situation passé, pour sauver le pays du péril. C’est notre éthique musulmane, qui se hisse au-delà des limites. La réconciliation, restera inachevée sans le parachèvement de votre programme.

La réconciliation nationale est la condition du développement et de l’Etat de droit. Elle reste en attente de son approfondissement par l’ouverture plus grande du champ politique, en vue de concrétiser pleinement votre projet que l’on définit comme un Nouveau Contrat National. La construction d’un Etat de droit passe par un système démocratique et un pluralisme politique effectif. La stabilité institutionnelle était le premier but. Aujourd’hui, l’impératif est la consolidation de l’État de droit, d’autant que l’Algérie est dotée d’instruments institutionnels. La démarche salutaire de la réconciliation, mérite d’être approfondie, à travers la continuation des trois réformes initiées : de l’Etat, de l’institution judiciaire et du système éducatif. La complexité des problèmes, la lenteur des réformes et la fragilité des acquis incitent à l’élargissement du dialogue et de la participation. Mobiliser toutes les bonnes volontés tracera le chemin d’une Algérie nouvelle, celle de la ligne médiane. Ainsi, ce n’est pas tant la persistance d’actes terroristes isolés qui constituent une limite à la politique de paix nationale que le repli et l’usure du système politique.

Les défis externes aussi obligent à élargir le champ des alliances et du consensus. Mieux que quiconque, vous savez Monsieur le Président que les relations internationales sont régies par la loi du plus fort, le refus du droit à la différence et le libéralisme sauvage. L’identité, la souveraineté et le droit au développement en sont les enjeux. Dans un monde arabo-musulman figé et un monde Occidental s’éprouvant en impasses, l’Algérie, qui a mené la plus prestigieuse lutte de libération nationale du XXe siècle, qui a été une polarité mondiale et a symbolisé la liberté et la dignité des hommes, peut, sous votre impulsion, être à l’avant-garde du dialogue des civilisations et un phare du renouveau. Ceci permettra de conjuguer l’Etat de droit sécularisé avec nos valeurs spécifiques. Notre société est fragilisée, mais dispose encore d’atouts pour la renaissance. La société considère que l’indépendance n’a pas réalisé toutes les promesses de l’Appel de Novembre, fondé sur la restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques et le respect des libertés fondamentales.

La construction d’un Etat de droit est au cœur de la politique de réconciliation. Il s’agit, comme vous l’avez maintes fois affirmé, de mobiliser les citoyens, par l’enracinement des pratiques démocratiques, autour de débats et de propositions qui permettent d’avancer sur la voie du développement. Des citoyens, des élites et des jeunes, qui aiment leur patrie, se considèrent exclus et s’enferment dans le désespoir. La politique de réconciliation nationale s’avère donc fondamentale pour l’œuvre de redressement.

Nous avons explicités que la consolidation de l’Etat de droit, la renaissance de l’identité et le développement du pays, sont les trois finalités majeures de votre projet de redressement national. Comme vous l’aviez projeté, la paix retrouvée doit être accompagnée des outils politiques, économiques et culturels appropriés. Le véritable pluralisme politique constructif se fera avec des partis politiques, qui concourent librement à la conquête pacifique du pouvoir. Les élites nationales et la classe politique ont une part de responsabilité. Il ne suffit pas de critiquer l’action de ceux qui gouvernent, il faut que les partis présentent aux citoyens des alternatives crédibles. Un travail collectif reste à mener pour assurer l’ancrage du Nouveau Contrat National et la pédagogie adéquate à cet apprentissage.

Le rétablissement de la paix a permis de poursuivre le développement, mais des lacunes sont perceptibles. La question de la relève et du renouvellement des compétences se pose. Les importantes réalisations des infrastructures de base, des barrages, des universités, des écoles, des logements, du développement durable, sont des acquis, mais l’élément politique confèrera davantage de mobilisation. Surtout que votre souci est de forger une société du savoir et de substituer à la manne pétrolière la valeur du travail. Le projet de société en cours répondra aux nécessités sociales si les finalités seront amplement expliquées et surtout partagées. Le dialogue en vue de former, rassembler et responsabiliser, donnera ses fruits pour refonder la Nation. Cela aura une trajectoire : donner à la Nation l’Etat de droit pour lequel ses enfants ont payé le coût le plus élevé.

Monsieur le Président, de par votre destin historique, en mesure et en droit d’amorcer la rupture, investit par le suffrage universel, vous détenez la clef de l’ouverture pour une Algérie démocratique, forte et prospère. Vous avez pris la détermination d’œuvrer pour changer le pays. Nous estimons que vous êtes porteur d’espérance qu’un meilleur avenir est possible. Autour de vous, le peuple et ses élites sont attachés à la démarche qui changera pacifiquement le système politique pour le bien des nouvelles générations.

Monsieur le Président c’est ce à quoi nos travaux sont parvenus et vous avez votre large vision.

Le Forum des intellectuels Algériens

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