20 ANS APRÈS BERLIN, OBAMA UN AN APRÈS

 

 

20 ANS APRÈS BERLIN, UN AN APRÈS OBAMA

12 Novembre 2009

La chute du mur de Berlin en 1989 a fait rêver le monde entier autour de l’idée de rupture, de monde nouveau et de démocratie. Depuis la fin du XXe siècle, les progrès scientifiques, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont fait croire que les frontières vont s’estomper pour laisser place à un village planétaire égalitaire. L’élection du président américain, Barack Obama, a cristallisé des espoirs dans le monde entier pour faire reculer l’unilatéralisme et la violence. Malgré «la libération» de peuples de l’Europe de l’Est et ces trois symboles du changement, il n’y a pas eu de rupture qui instaure un nouvel ordre international juste, aucune avancée du droit. L’opinion publique espérait des changements qui ne se sont pas produits et Obama semble plier face aux lobbys. Cependant il faut continuer à garder espoir qu’il réalise la justice et le droit. Des analystes affirment que le monde est actuellement en recomposition, alors qu’il se ferme. L’émergence de nouveaux pôles de puissance est relative et ne signifie pas la fin du monopole du monde occidental et des Etats-Unis.

Le monde n’est pas multipolaire. Il n’est pas en voie de multipolarisation, malgré les fissures, le passage du G8 au G20, le projet d’élargissement du Conseil de sécurité et l’internationalisation de nombre de processus. Malgré la puissance de la Chine, il est faux d’affirmer que la situation actuelle reflète un transfert du pouvoir de l’Occident vers l’Orient, de l’Europe et de l’Amérique vers l’Asie et que dans les vingt ans à venir, sera mis fin à quatre siècles d’eurocentrisme. C’est au contraire le monde qui s’occidentalise. En conséquence, la déception et des dysfonctionnements des comportements collectifs vont s’accélérer. Même si personne ne regrette le passé et que les observateurs avertis ne se faisaient pas d’illusions, sachant que le rapport de force n’évolue que sur la base de positions et actes concrets, la déception est réelle mais l’espoir persiste. Malgré des opportunités, comment nier que la direction à toute vitesse que prend le monde n’est pas la bonne? L’arrogance et l’injustice continuent à dominer, sous des formes subtiles. Même du temps de la colonisation au visage si hideux et ensuite de la guerre froide, l’horizon mondial n’a pas été autant porteur d’incertitudes. La volonté d’hégémonie, le double langage et la loi du plus fort, malgré le style «soft», vont radicaliser les opinions, rendre sourds les damnés de la terre et avoir des conséquences incalculables.

Le monde s’occidentalise

Même si les relations internationales ne reposent pas seulement sur le conflit israélo-palestinien et le traitement des musulmans comme nouvel ennemi, ces deux questions sont devenues majeures. Elles illustrent les impasses dans lesquelles se trouve la communauté internationale. Elles concernent la position des USA au sujet de la cause palestinienne. Malgré le soutien que lui ont apporté les États-Unis et les pays de l’UE, Israël n’a pu éviter que le rapport de la commission présidée par le juge sud-africain, Richard Goldstone, un juif, soit adopté par 144 pays de l’Assemblée générale de l’ONU. La résolution n’est pas contraignante, mais augmente la pression. Ce que les USA négligent, réside dans le fait qu’a ce compte-là c’est la dimension morale du rapport qui sera gravée dans la conscience du monde.

Ainsi, la position de la première puissance au sujet du rapport onusien «Goldstone» sur la situation des droits de l’Homme en Palestine et les récentes déclarations de la secrétaire d’Etat, Clinton, au sujet de la colonisation israélienne, montrent que la politique extérieure américaine n’a pas changé, dénoncée par la majorité des pays du monde. A quoi sert de dénoncer l’extrémisme, les atteintes aux droits de l’homme et les crimes de guerre aux quatre coins de la planète si ces principes sont bafoués dès qu’il s’agit d’Israël? Résultats: la crédibilité des USA est revenue à son niveau le plus bas, les extrémistes sont dopés et la logique du vivre-ensemble, à laquelle tant de peuples sont attachés, risque de s’effondrer. Aucun forum, pression, matraquage médiatique ou déclaration diplomatique de circonstance n’y changeront rien. Comment peut-on encore demander de parler de dialogue des civilisations, de rejet de la violence et de processus de paix? Aux yeux des peuples concernés, ces mots d’ordre servent comme arme entre les mains des puissants pour dominer et réfuter toute forme de résistance. Même le président palestinien Mahmoud Abbas, l’hyper-modéré est désespéré face à la position américaine. La mise en cause du système de domination, des forces qui le commandent, va passer par un regain de légitimité de la violence. Le monde entier se retrouve fragilisé.

Au début, le président Obama a inquiété des Israéliens lorsqu’il affirmait vouloir mettre fin à l’occupation israélienne conformément au droit international et des résolutions de l’ONU. Puis l’Administration Obama provisoirement a cédé devant le refus israélien du gel des colonies. Le refus pathologique d’Israël de tout processus de paix équitable est suicidaire. Flatter l’extrémisme en Israël est porteur de menaces. Les gouvernements occidentaux pratiquent la partialité, à n’importe quel prix, au lieu de la justice. Le courage politique serait de tenir un langage de vérité. Israël sera en sécurité le jour où il cessera la colonisation et ses visées dominatrices sur ses voisins. La paix est à ce prix. Cependant, les USA et les Européens ne le disent pas et l’exigent encore moins.
Il est clair que les Etats-Unis contrediront leur prétention à diriger le monde sur la base de l’équité s’ils ne reglent pas laquestion palestinienne. En une année, la formule «Obama» pour y mettre la forme est critiquée. Il faut aider Obama. Aujourd’hui, il faut un minimum de consensus international et de droit pour asseoir une hégémonie. Les aspects décisifs en sont la crédibilité, la suprématie économique et culturelle du modèle.

Pour un milliard et demi de citoyens de confession musulmane dans le monde et autant ou plus de toutes les cultures et religions, attachés à la justice, la première puissance, qui n’a pas d’équivalent, cherche à accélérer la mise en oeuvre de sa stratégie d’hégémonie totale. Cependant, les moyens, les images et les messages qu’elle véhicule sont contradictoires. Les peuples ne sont pas dupes. Nous avons besoin d’une superpuissance capable de raison et non d’arbitraire. Le devenir commun est en jeu.
Les Etats-Unis, dont tout le monde a besoin, ne semblent pas aptes à transformer leur supériorité en guide pour la communauté internationale, leur force en justice et leur puissance en morale. Les influences idéologiques néfastes, les calculs étroits et les alliances contre nature l’emportent sur la sagesse et l’intérêt général. Le monde musulman et d’autres peuples attachés à leur «indépendance» et au droit international, par souci de vérité, à l’égard des Etats-Unis et de l’Occident, doivent rester capables de critique et de vigilance. Ce qui implique le refus de s’aligner, mais aussi l’acceptation du débat. Les USA risquent de ruiner les belles valeurs qu’ils représentent, à leur tête, celle de la liberté, en humiliant l’oppressé, le colonisé et l’occupé, prenant sans cesse fait et cause pour Israël, un régime ethnico-religieux, qui subordonne la nationalité à l’appartenance à une idéologie et une religion, en l’occurrence le sionisme et le judaïsme instrumentalisés. L’attitude de certains chefs d’Etat européens face au gouvernement israélien actuel extrémiste est choquante. C’est un soutien aveugle et subjectif qui ne correspond à aucun intérêt de ces pays.

La confiance dilapidée

Dans des pays occidentaux, l’ostracisme frappe souvent toute personne qui critique la politique de l’Etat d’Israël. Outre-Atlantique, des centres de propagande, dans le cadre d’une stratégie, ne renoncent pas à imposer à l’opinion une adhésion aux théories du «choc des civilisations» et au ralliement à cette idéologie belliqueuse. Ils programment un siècle de terreur pour un «Grand Moyen-Orient» soumis à leurs desseins. Ils manipulent les réactions insupportables de groupes minoritaires, pour accréditer les amalgames qui désignent comme «terroriste» tous ceux qui se défendent contre les agressions et occupations. Pour quelles raisons l’aveuglement et l’iniquité se poursuivent, alors que les Arabes proposent une normalisation avec Israël en échange des territoires occupés en 1967 et que la familiarité et les liens ancestraux entre Juifs et Arabes sont une profonde réalité?
Les anciens présidents américains et les membres du Congrès américain qui dépendent des contributions financières à leurs campagnes électorales, acceptaient sans raison apparente valable, cette pathologie qui ne pourrait être guérie qu’en la défiant. Un président américain faisant preuve de courage politique peut guérir la pathologie sioniste, au risque de s’exposer aux critiques du lobby pro-israélien américain qui soutient aveuglement les politiques du gouvernement israélien – y compris lorsqu’elles offensent le droit, la raison et la morale et portent préjudice aux intérêts américains.
Si le président Obama veut impulser le rôle mondial des USA et tenir sa promesse d’obtenir une solution à deux Etats, assurer la survie d’Israël et protéger les intérêts vitaux des Etats-Unis, il devra mécontenter les sionistes. S’il y parvient, il obtiendra une reconnaissance historique. Il est celui qui peut changer la face du monde si chacun l’aide notamment en dénonçant les injustices et les réactions aveugles.

La première cause idéologico-théologique du refus de justice prétend que les juifs ont droit à un État hors norme, au-dessus des lois, parce qu’ils ne forment pas un peuple comme les autres, mais une communauté divinement élue. Qui peut accepter cette interprétation, y compris pour ceux, qui, avec objectivité, connaissent l’histoire du Salut et avec sagesse donnent priorité à la fraternité abrahamique? La seconde cause est politico-psychologique, liée au sentiment de culpabilité des Occidentaux, du fait que les juifs ont fait l’objet d’une persécution innommable et d’un déni incomparable de leur droit à l’existence. Troisième cause, inavouée, est l’influence des lobbys sionistes liés aux centres de décision qui monopolisent les pouvoirs, qui, pour faire diversion aux impasses de notre temps, alimentent l’idée d’un nouvel ennemi, pratiquant à outrance l’amalgame entre «musulman» et «islamiste». Compte tenu de l’état du monde musulman, de ses archaïsmes, ses divisions et les réactions aveugles, il est facile pour les tenants du «choc» d’imposer cette propagande. De plus, les musulmans d’aujourd’hui ne savent pas communiquer.

L’antisémitisme

L’Américain moyen ne comprend pas nos messages et arguments. Il répond: Qu’y a t-il de nouveau? «What is new, tell me someting I don’t know?», Considérant que l’on ressasse une langue de bois. Alors que la crise du monde arabo-musulman n’a rien à voir avec la culture arabe et la spiritualité musulmane, c’est un fait que le caractère despotique et non crédible de régimes arabes et islamiques est exploité dans le cadre du problème israélo-arabe. Dans ce contexte, la question du contrôle des sources d’énergie, que le monde arabo-musulman, détient est un facteur déterminant.
Ce qui est paradoxal dans ces trois «arguments» réside dans le fait qu’ils entérinent a posteriori l’antisémitisme. Pour le premier prétexte, c’est l’argumentation antisémite la plus caricaturale: les juifs se considéreraient différents de tous les autres, voire supérieurs, se posant comme nantis d’un droit politico-religieux exclusif. Dans le second cas de figure, le fait de vouloir séparer les juifs des autres, rappelle la folie nazie qui avait conçu une telle solution barbare. Ressentir une responsabilité dans l’horreur nazie, est une chose, s’en décharger au détriment d’un autre peuple est une dérive. Il n’y a rien à résoudre dans le problème juif qui ne soit à poser en termes de démocratie, de droit et d’égalité.
Aucun problème politique ne doit avoir une spécificité par rapport à celui du droit et des valeurs universelles. Dans le troisième cas, pratiquer l’islamophobie comme épouvantail pour tenter d’asseoir l’hégémonie du libéralisme sauvage allié au sionisme, perpétue l’antisémitisme en direction des musulmans. Il n’y aura jamais de paix sans justice. L’Algérie qui a mené la plus prestigieuse lutte de Libération nationale du XXe siècle, qui a été une polarité mondiale et de par sa position géostratégique, peut être à l’avant-garde du dialogue.

(*)Philosophe et islamologue
www.mustapha-cherif.net

 

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