Aïd Mubarak-L’exemple du Prophète

Réalités et perspectives du monde musulman

 

L’exemple du Prophète

Par : Mustapha Cherif

Aïd Mubarak. Ramadhan, mois spirituel à qui rien ne ressemble, nous quitte. Il a permis aux pieux, aux éveillés et aux bien agissants de se souvenir de notre dimension éphémère et de suivre l’exemple du Sceau des envoyés, l’Homme universel, qui reçut pour la première fois le saint Coran durant ce mois. Le Prophète était le Coran appliqué dans la vie. Il entendait l’inaudible et voyait l’invisible, par la grâce de son Seigneur. Avoir la foi, c’est s’ouvrir, se mettre humblement à cette écoute et à cette vision.


Ce n’est pas se fermer. Humain, le Prophète, pour le monde ici-bas, visait l’ouvert, le vivre ensemble civilisé et le comportement éduqué et responsable pour élever la condition humaine. L’écart entre le modèle et la réalité de nombre d’adeptes de notre époque est préoccupant. C’est une responsabilité collective et plus encore pour les élites. Mille problèmes concrets et terrestres assaillent les citoyens de notre temps, notamment la jeunesse qui se considère livrée à elle-même. Comment se ressourcer à la spiritualité, donner du sens à la vie individuelle et commune tout en assumant nos responsabilités, afin de sortir du sous-développement, faire reculer les comportements rétrogrades qui s’amplifient et ouvrir de nouvelles perspectives ?

 S’instruire et s’engager pour le bien, tel devrait être le mot d’ordre de toujours.
L’Islam de nos ancêtres est bien plus authentique, progressiste, équilibré et créatif que tant d’agitations réactionnaires et infantiles d’aujourd’hui. L’incivisme, l’inaction, le formalisme, les crispations et l’ignorance minent la société et prennent de l’ampleur, à cause du vide culturel, des surenchères, des effets néfastes de TV satellitaires et de la démission de tous ceux qui peuvent agir, orienter et éduquer.


En ces temps de la montée de nouvelles générations peu préparées à affronter les défis du futur, qui se rendent compte que toutes les promesses de l’Indépendance ne se sont pas réalisées, la désorientation domine, marquée par la crise des valeurs et des comportements violents. Le Prophète, l’exemple à suivre pour les musulmans,  aujourd’hui, est méconnu, en Occident de manière évidente, mais aussi en Rive Sud, au vu des écarts et des dérives contraires à sa sagesse et à sa lumière.

La qualité de  “communauté médiane”, paisible et savante, fière de ses racines et ouverte sur le monde, est en train de se réduire, même si l’Umma reste attachée à sa belle religion. Des comportements extrêmes et déviants occupent le devant de la scène : ceux de l’approche figée et déformée de la religion et ceux de l’imitation aveugle de la société de consommation sans morale.

Approfondir la connaissance


Le Ramadhan, qui fait signe vers l’intimité, le secret de la relation entre l’humain et le Créateur, montre l’attachement à ce pilier du culte de l’immense majorité de la jeunesse. Elle est sensible au Ramadhan, à la foi réfléchie et peut “croire” et vivre son temps. Il faut instruire dans le sens de l’ouvert et rappeler le modèle prophétique, que les pratiquent fermées et superficielles trahissent.
Malgré toutes les publications, l’indigence des études qui sont consacrées au Prophète est patente.

Ce qui est si exemplaire, le Prophète, doit illuminer le cœur des croyants. La compréhension rigoriste et fermée de notre religion, d’un côté, et les influences de modèles pervers de notre temps, d’un autre côté, fragilisent nos sociétés et poussent à l’extrémisme de tous bords.
Sans connaître le Prophète, il est difficile d’apprendre à vivre raisonnablement, de comprendre en profondeur ce que c’est être musulman et de cerner avec objectivité ce qu’est l’humain selon l’Islam.


Des musulmans, par ignorance, semblent incapables de se souvenir de ce modèle excellent pour non seulement s’en inspirer mais pour justement assumer leurs responsabilités. En Orient, ce sont les prédicateurs rigoristes qui se sont approprié le droit de parler de lui. Cela se fait avec un sens de la lecture idéologique, de l’apologie étroite et de l’excès étrangers à la pédagogie du Prophète. En Occident, aujourd’hui, malgré des travaux liés à l’Islam, on enregistre des productions qui abordent des aspects polémiques pour traiter des questions de la religion.


Un prisme déformé, paradoxalement, à la fois de la part des étrangers et des fondamentalistes, empêche de découvrir la noble figure singulière, l’homme total, el Insan el kamil, qui visait à forger un être humain pieux, logique et juste, pour la dernière phase de l’histoire de l’humanité et non une époque, une race ou une culture particulière. Les fondamentalistes refusent de commémorer sa naissance ou de lui rendre grâce, alors qu’il est, comme dit le saint Coran, “miséricorde pour les mondes”. Ceux qui sont habités par l’ignorance n’arrivent pas à comprendre la grandeur, la personnalité et les actions historiques du Prophète.
 
Édifier une cité juste


La conscience mohammadienne a une structure qui se nourrit de la mémoire qui remonte à Abraham, à Adam lui-même et au-delà. Le contenu du Message coranique, révélé et ouvert, et la personnalité du Prophète ont permis aux musulmans de tous les continents de l’âge classique de s’ouvrir et de penser dans une vision large. Il y a mille ans, les musulmans étaient bien plus sensibles au savoir universel et à la nécessité de vivre de manière civilisée que nombre de croyants de notre temps.

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Le Prophète était leur source d’inspiration, l’idéal type de la prophétie et de l’humain en phase avec la réalité et l’au-delà du monde pour édifier une cité juste. Dans ce sens, il appela à apprendre à vivre sur la base du droit à la différence, de l’égalité des droits et du respect de la parole donnée, car la piété, qualité du vrai croyant, ne peut être coupée des autres exigences de l’existence.
Il ne jugeait pas, il éduquait, appelait sans cesse à la patience, à la clémence et visait à forger des caractères nobles : “Tu es porté par un caractère magnanime” (S78 V 4). Le Prophète a doté le monothéisme de l’expression la plus élevée, en traduisant dans les faits des valeurs spirituelles et une tenue humaine dans le monde. Restituer les leçons du Prophète, la profondeur de ses enracinements et le pluralisme de ses horizons est vital pour prendre nos distances à la fois vis-à-vis des attitudes fermées et celle de la dépersonnalisation.

 
L’islam, religion de la foi réfléchie, d’un art de vivre, une civilisation, c’est cela qu’il faut retrouver. En cette fin du mois béni du Ramadhan, se souvenir des sages leçons du Prophète, afin de lui être fidèle, la première interrogation qui devrait être posée à chacun de nous est : que fait-on de bien pour notre existence, nos proches, la patrie et l’humanité ?

M. C.

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