Mustapha Cherif: Pourquoi j’ai signé l’Appel contre la violence !

Mustapha Cherif: Pourquoi j’ai signé l’Appel

 contre la violence !

 

J’ai accepté sans hésitation de signer l’Appel, initié par votre Magazine*, qui dénonce de manière implacable ceux qui tuent au nom de l’islam. Depuis longtemps je ne cesse de répéter que pas plus que l’inquisition n’est dans l’Evangile, le terrorisme n’est dans le Coran. Aujourd’hui, en tant que citoyens de confession musulmane, toutes sensibilités confondues, nous sommes unis face à l’usurpation du nom de l’islam. C’est un moment historique, notamment pour l’Islam de France.

 

Le devenir est commun et  passe par le respect de toutes les minorités religieuses. S’il est excessif de parler de « purification religieuse », au vu de la symbiose millénaire entre les chrétiens et musulmans, il est clair que des chrétiens en Orient sont soumis à une grave épreuve. Il faut en cerner les causes, que rien ne peut justifier. Dire son sentiment horrifié et ému au sujet des attentats de Bagdad et d’Egypte, est un devoir. Le sort des chrétiens d’Orient nous concerne en premier. Les populations musulmanes refusent de voir disparaitre une partie d’eux-mêmes.

L’anti-islam

Lutter contre les représentations déformées de l’islam, l’instrumentalisation et l’ignorance, est un combat quotidien. Oser dire à quel point des gestes de haine contre d’autres soulèvent le cœur d’un musulman est conforme à la nature de l’Islam. Il est aberrant et odieux de faire l’amalgame, de prétendre que depuis longtemps le monde arabe a un problème avec la liberté et que l’intolérance est la règle et la liberté de conscience inexistante. Que des usurpateurs, fanatisés se laissent manipuler n’est pas surprenant. Ils sont le contre-exemple de l’islam. On ne doit pas confondre ces vingt dernières années avec 15 siècles d’histoire. La majorité des musulmans éprise de liberté, de paix et de justice, souffre d’assister à ces crimes qui ne sont pas l’islam.

Certes, dans le monde le nombre de victimes musulmanes de la violence, des puissants et des faibles, est supérieur de cent fois à celui des non-musulmans, et nous soufrons de la situation d’apartheid que subissent des palestiniens, musulmans et chrétiens, et de la stigmatisation des musulmans européens. Cependant, cela ne nous empêche pas d’êtres solidaires des chrétiens qui sont une partie inséparable de l’identité culturelle des musulmans. De plus, l’Eglise copte égyptienne s’est toujours caractérisée par une position courageuse pour les justes causes. Son chef spirituel, le pape Chénouda III, est un symbole de l’unité nationale et du soutien aux palestiniens.

En tout état de cause, ce n’est pas parce que la xénophobie enfle en Europe que nous allons être sélectifs en matière de solidarité. Les chrétiens d’Orient n’ont rien à voir avec les xénophobes et autres agresseurs qui se réclament de la culture judéo-chrétienne, tout comme les musulmans d’Europe ne sont pas comptables des errements de ceux qui dévoient et contrefont l’islam.

L’Occident doit savoir que des Gandhi ou des Martin Luther King pourraient aussi bien être des musulmans. La culture humaniste de l’islam que le Prophète a léguée est trahie par des extrémistes. Notre solidarité en direction des chrétiens d’Orient est totale et inconditionnelle. Au nom du Coran, de son  sens de l’hospitalité, du respect d’autrui, de la liberté de conscience et du dialogue interreligieux, nous ne  conditionnons pas notre soutien.  Nous nous opposons aux délires mortifères d’où qu’ils viennent et défendons le vivre ensemble. Il est inadmissible que l’on puisse s’en prendre à des citoyens en raison de leurs convictions.

Une machination

A qui profite le crime… ? C’est pour nous couper du monde, annihiler toute perspective de démocratisation dans les pays arabes, justifier l’islamophobie et renforcer le prétendu choc des civilisations. Sur le fond, ce qui pose problème est le recul de l’interconnaissance, du droit et la prétention à détenir le seul modèle émancipateur. Les chrétiens ont droit à la sauvegarde en fidélité  aux principes coraniques et aux recommandations du Prophète qui prônent une fraternité universelle excluant toute discrimination.

L’Eglise d’Orient a survécu autant grâce à la volonté des communautés chrétiennes de vouloir continuer d’exister que par le sens de l’ouvert de la culture musulmane. En terre d’islam se refugiaient  les persécutés et en premier lieu les juifs. Il y a 150 ans l’Emir Abdelkader au nom de l’humanisme musulman sauvait des milliers de chrétiens à Damas face à la folie sectaire. Lors de la guerre qui l’opposait sur son territoire à la puissance française occupante, il rédigea un  règlement dans lequel il imposait à ses soldats le respect absolu des prisonniers français, et ceci bien avant les conventions modernes.

L’Autre existe au sein de chaque société. Les altérités se côtoient. Le combat contre la xénophobie et les terrorismes, des puissants et des faibles, est politique. Il transcende les frontières et les religions. Les persécutions visant les chrétiens sont aussi intolérables que celles visant les juifs ou les musulmans. Notre dénonciation des criminels qui usurpent le nom de l’islam est radicale, limpide et totale. Nous proclamons haut et fort notre solidarité inconditionnelle aux chrétiens d’Orient.


Professeur Mustapha Cherif

 

*RespectMag

 

Laisser un commentaire